Free cookie consent management tool by TermsFeed

Édito – Dedans Dehors n° 100 : place aux détenus

A-t-on le droit de s’exprimer quand on a soi-même enfreint la loi ? Peut-on donner son avis, dire ses souffrances, pire, se plaindre de son sort, quand on n’a pas respecté les règles, que l’on a porté atteinte à quelqu’un ou quelque chose ? Est-il tout simplement permis de se raconter, de rappeler qu’on existe, quand la société a choisi de vous exclure, de vous couper du monde ?

La vérité, au-delà du droit, c’est que nous faisons bien peu de cas de la parole des prisonniers. Les enfermer, c’est aussi un moyen de ne plus les voir, de ne plus les entendre. Derrière les barreaux, on attend d’eux qu’ils fassent profil bas. S’ils prennent la parole, celle-ci est au mieux considérée comme sujette à caution, le plus souvent comme illégitime.

Quand bien même ils souhaiteraient s’exprimer, les détenus ont souvent l’impression de crier dans le désert. « Nous sommes considérés comme des moins que rien, sans aucun droit. Juste celui de se taire, d’écrire et de ne pas avoir de réponse », raconte dans ce numéro une personne incarcérée depuis six ans. Confrontés au silence de l’institution, ils peuvent encore tenter de dépasser les murs pour se faire entendre au dehors. Mais le droit d’expression est, en prison, limité, soumis à la censure, parfois tout simplement foulé au pied. « J’ai peur que ce courrier trouve la corbeille, ce n’est pas rare », nous écrit l’un d’eux.

Pour ce numéro 100 de Dedans Dehors, nous avons donc choisi de donner la parole à ceux du dedans et d’être leur porte-voix vers le dehors. Car si cette revue a vocation à parler de la prison, qui mieux que les personnes détenues pour le faire ? Elles disent ici leur quotidien, racontent les règles de la prison – souvent éloignées de celles du droit –, mettent des mots sur leurs souffrances – physiques et mentales – et livrent leurs réflexions sur le sens de cette peine. Des textes qui disent davantage leur désespoir que leur envie de révolte. Mais parler quand on refuse de vous entendre, n’est-ce pas déjà un acte de révolte ? Une révolte pacifique, un moyen de se réhabiliter en tant que sujet de droit et qu’être humain. Un appel surtout, auquel nous ne pouvons continuer à rester sourds.

Par Cécile Marcel