Fouilles à nu : l’administration centrale se résout à ordonner l’application de la loi
Quatre ans après avoir été votées, les dispositions de la loi pénitentiaire sur la fouille à nu des détenus vont elles enfin être respectées ?
C’est ce qu’indique une note du directeur de l’administration pénitentiaire (DAP) du 11 juin 2013, qui annonce la publication prochaine d’une circulaire sur le sujet. Et demande « sans attendre » aux services pénitentiaires une « adaptation des pratiques ». Dans toutes les prisons équipées « de portiques de détection des masses métalliques à proximité de la zone des parloirs », la pratique des fouilles intégrales systématiques doit être abandonnée au profit « des fouilles par palpation et de l’utilisation des moyens électroniques de détection ». Un rappel salutaire faisant suite à la fermeté de la Chancellerie : « l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ne [sera] pas modifié ». En vertu de ce texte, la fouille à nu n’est autorisée que si les autres moyens de contrôle s’avèrent insuffisants. Et doit être justifiée, au cas par cas, « par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement ». Une approche individualisée dont de nombreux chefs d’établissements se sont affranchis, avec l’approbation de leur hiérarchie, au prix de « multiples condamnations du juge administratif », reconnaît le DAP. Pour autant, précise la note du 11 juin, la jurisprudence n’interdit pas les fouilles intégrales systématiques lorsqu’elles s’appliquent « à un individu nommément désigné, qu’elles résultent d’une décision motivée fondée sur des considérations liées à l’ordre public ou à la personnalité du détenu, [et] qu’elles font l’objet d’une réévaluation régulière par le chef d’établissement ». Le DAP s’appuie sur une décision du Conseil d’État admettant qu’un détenu, condamné pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, soit soumis à des fouilles à nu après chaque parloir par mesure de sécurité. La Haute juridiction ajoute que le bien-fondé de cette mesure doit néanmoins être réexaminé « à bref délai et, le cas échéant, à intervalle régulier », afin de vérifier «si le comportement et la personnalité du requérant justifient ou non la poursuite de ce régime exorbitant ». Donnant à cette jurisprudence une portée extensive, plusieurs chefs d’établissement se sont d’emblée engouffrés dans une application discutable de la note du 11 juin. Recourant à des critères de dangerosité larges ou imprécis, ils ont établi des listes, revues tous les trois mois, de détenus devant être soumis à une fouille intégrale systématique à l’issue des parloirs. Si bien qu’à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la moitié des détenus figurent sur cette liste! Le caractère exceptionnel de la fouille à nu, tel que voulu par le législateur, n’est pas encore une réalité dans les prisons françaises.
Note DAP du 11 juin 2013