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Maubeuge: nouvelle condamnation pour un suicide au quartier disciplinaire

Les services médicaux sont cette fois mis en cause : « le manque de surveillance médicale [...] doit être regardé comme ayant contribué au passage à l’acte du détenu et constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois ».

Dans un jugement du 5 février 2014, le tribunal administratif (TA) de Lille a condamné le centre hospitalier à verser 15 500 euros à la famille de Fabien, décédé à la prison de Maubeuge à l’âge de 21 ans. Il s’était pendu, le 16 novembre 2006, dans sa cellule du quartier disciplinaire (QD). Le 14 novembre 2006, il avait été sanctionné à quinze jours de QD dont neuf avec sursis pour des menaces à l’égard d’un surveillant, qu’il contestait avoir proférées. Deux jours plus tard, Fabien était retrouvé pendu aux grilles de sa cellule et décédait peu après.

Dès le début de sa détention en décembre 2005, le jeune homme était apparu fragile, souffrant de toxicomanie, d’insomnie et de dépression. Le tribunal souligne que « l’état d’anxiété du détenu a été relevé dès son arrivée » et « l’existence d’un risque suicidaire dès le 28 décembre 2005 ».

Lors d’une précédente incarcération, Fabien avait déjà tenté de se suicider. Un lourd traitement lui était prescrit, composé notamment de substitutifs aux opiacés et de benzodiazépine. En dépit de l’augmentation constante des doses, qu’un médecin de l’unité médicale ira jusqu’à qualifier d’« escalade thérapeutique », l’état de santé psychique de Fabien n’a jamais cessé de se dégrader. Un rapport d’expertise du 10 janvier 2011 déplore « l’absence de recherches toxicologiques sanguines », qui aurait pu permettre d’ajuster la posologie des traitements et de s’assurer que Fabien, qui se plaignait d’être racketté par d’autres détenus, prenait bien ses médicaments. « Une absence de démarche scientifique essentielle » selon l’expert, qui estime que l’« application de ces recommandations aurait pu, en prenant en compte les différentes tentatives de suicide antérieures, améliorer l’état psychique de Fabien lors de sa période d’incarcération et aurait ainsi, peut-être, évité l’acte final ». En outre, souligne le tribunal « lors de son placement en quartier disciplinaire le 14 novembre 2006, le médecin n’a pas considéré son état de santé comme incompatible avec cet encellulement ». Et ce, alors même qu’il était inscrit dans son dossier médical, que lors d’une précédente sanction il n’avait pas supporté le confinement en cellule ordinaire et avait exprimé des « idées suicidaires ».

Cette décision judiciaire intervient trois mois après une précédente condamnation de l’État par le même TA, le 29 octobre 2013, à propos du décès d’un homme de 28 ans survenu en 2008 au QD. Les juges avaient retenu cette fois la responsabilité de l’administration pénitentiaire pour « négligence fautive ». Ces deux situations interrogent surtout sur les placements au quartier disciplinaire de détenus ayant manifesté des tendances suicidaires, alors que le QD est connu pour son caractère suicidogène, avec un taux de suicides sept fois supé- rieur à celui de la détention ordinaire. En dépit des recommandations de la CNCDH (2004) visant à remplacer le QD par le confinement en cellule, une telle alternative reste insuffisamment utilisée, notamment à l’égard des détenus les plus vulnérables.