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Meaux : quand une JAP applique la loi, ça change tout !

« Tout juste recevable à un aménagement de peine », « fin de peine trop éloignée », « projet pas encore bien construit »... Les motifs de refus d’un aménagement de peine souvent invoqués étaient tous réunis dans cette décision du tribunal de Meaux du 29 juin 2015. Pourtant, Kévin C s’est vu accorder une libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique probatoire, en dépit d’un avis défavorable de l’administration pénitentiaire.

Kévin C exécutait deux peines d’emprisonnement pour trafics de stupéfiants et sa fin de peine était fixée au 6 août 2017. Condamné en 2014 pour des infractions commises entre 2007 et 2008, « il semblait réinséré » lors du jugement, travaillant comme chef de cuisine, vivant en concubinage et élevant son enfant. »

L’incarcération semble avoir eu pour effet de le désinsérer, puisqu’il a perdu son travail et s’est séparée de son amie », indique la décision du juge de l’application des peines, Mme Claire Hulak. En outre, il ressort d’une expertise psychologique que Kévin C « présente des fragilités, sur fond de polytoxicomanie désormais ancienne, qui pourraient être réactivées » en détention. C’est pourquoi il est apparu « opportun de lui accorder un aménagement de peine qui lui permettra de retrouver un emploi adapté à ses compétences ».

Une décision comme on aimerait en lire plus souvent, même si elle ne fait qu’appliquer la loi pénitentiaire de 2009. Fin de peine éloignée ? Rien n’indique ce motif dans la loi, qui se contente de poser des délais dans l’exécution de la peine pour être accessible à un aménagement. « A partir du moment où la loi dit qu’il est recevable à un aménagement de peine, même s’il l’est tout juste, pourquoi ne pas l’utiliser ? La question de la durée de la peine qu’il a purgée n’est à mon sens pas primordiale », commente la juge Claire Hulak.

Projet mal construit? La loi permet désormais d’accorder une libération conditionnelle lorsqu’un condamné justifie d’une « implication dans un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion » (art. 729 code de procédure pénale). Une promesse d’embauche ou de formation, encore souvent demandée, n’est dès lors pas nécessaire. C’est ainsi que Kévin C, souhaitant suivre une formation pour devenir chef cuisinier à domicile, se voit accorder un aménagement de peine pour recherche d’emploi. « Ce jeune homme avait réellement coupé les ponts avec la délinquance. Cuisinier de métier avant son incarcération, il avait de très grandes chances de retrouver un emploi rapidement à la sortie », explique la juge. Estimant que « le maintien en détention risquait de le faire retomber dans ses anciens travers », elle a jugé préférable de le tenir « éloigné du milieu carcéral ». D’autant que le maintien en détention « rend difficile la recherche d’emploi » : le jeune homme avait obtenu une promesse d’embauche, finalement retirée par l’employeur, l’audience tardant à être programmée. « Preuve que la prison ne pouvait pas l’aider dans sa réinsertion, au contraire même. »

Pour l’avocat du jeune homme, cette décision revient à « reconnaître que dès, le jugement de condamnation, la prison ne se justifiait pas » . Me Benoît David estime en effet que la situation de son client au moment du jugement « n’avait absolument pas été prise en compte » et qu’une peine aménageable aurait pu directement être prononcée. Évitant probablement à Kévin C la perte de son emploi et de sa conjointe.

Sarah Dindo et Laure Anelli