Le recours judiciaire contre les conditions indignes, instauré à l’article 803-8 du code de procédure pénale, a ouvert une nouvelle voie de recours permettant aux personnes détenues de contester leurs conditions de vie dans les prisons françaises devant le juge des libertés et de la détention (JLD) ou le juge de l’application des peines (Jap) du tribunal judiciaire (TJ) compétent. La procédure d’examen des requêtes est divisée en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le juge contrôle la recevabilité de la requête en vérifiant que le demandeur apporte un commencement de preuve de l’indignité de ses conditions de détention. S’il juge la requête recevable, le juge fait procéder aux vérifications nécessaires et recueille les observations de l’administration pénitentiaire. Puis il se prononce sur le bien-fondé de la requête. Plusieurs ordonnances rendues ces derniers mois permettent de dégager des marqueurs d’indignité des conditions d’incarcération.
Dans la plupart des décisions commentées, les juges ont constaté « l’exigüité » de l’espace de vie personnel du requérant dans une cellule occupée par deux (ord. JAP, TJ de Créteil, 25 fév. 2022) ou par trois détenus et dans lesquelles un matelas été posé au sol (ord. JLD, TJ Toulouse, 17 déc. 2021). En ce sens, dans une ordonnance du 31 décembre 2021, le juge des libertés du TJ de Mont-de-Marsan a jugé indigne l’incarcération du requérant « dans une cellule de 20 m², sanitaires compris, ayant vocation à recevoir quatre détenus et occupée actuellement par cinq détenus avec un matelas au sol positionné le long des réfrigérateurs de la cellule ». Au-delà de la suroccupation de la cellule, le juge peut pointer plus généralement la forte surpopulation de l’établissement (ord. JAP, TJ Créteil, 25 fév. 2022) pour conclure à l’indignité des conditions de détention. L’état sanitaire de la prison et les conditions d’hygiène ont également été pris en compte par les juges dans les décisions commentées en complément du manque d’espace personnel et de la surpopulation. Ces derniers ont notamment retenu la présence de cafards en cellule (ord. JLD, TJ Toulouse, 17 déc. 2021), ou « le faible nombre de douches hebdomadaire (3) » et l’insalubrité des cours de promenade (ord. JAP, TJ Créteil, 25 fév. 2022).
Lorsque le juge estime la requête fondée, il fait connaître à l’administration pénitentiaire « les conditions de détention qu’il estime contraires à la dignité de la personne humaine » et fixe un délai compris entre dix jours et un mois à cette dernière pour mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention. Si l’administration n’agit pas, ou si les mesures qu’elle a prises sont insuffisantes, le juge peut, en fonction de la situation du requérant, ordonner son transfert, sa mise en liberté ou prononcer un aménagement de peine. Dans les affaires commentées, l’OIP n’a pas eu connaissance des suites qui ont été données aux ordonnances mentionnées.
Par Salomé Busson-Prin
— Ord. JLD, Tribunal judiciaire de Toulouse, 17 décembre 2021, 210360000263 ; Ord. JLD, Tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, 31 décembre 2021, 19190000051 ; Ord. JAP, Tribunal judiciaire de Créteil, 25 février 2022, 201800094944 ; Ord. JAP, Tribunal judiciaire de Créteil, 24 mars 2022, 201800094944.
Publié dans Dedans Dehors n°115, juin 2022.