La loi Immigration renforce encore la «double peine», un dispositif discriminatoire, contraire aux droits fondamentaux. L'Observatoire international des prisons a partagé avec les parlementaires son analyse du projet loi (avec La Cimade), plaidé pour la fin de la «double peine» dans les médias, et adressé une contribution au Conseil constitutionnel (avec d'autres associations, syndicats, universitaires et juristes).
Début novembre 2023, dans le cadre des débats autour du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », l’Observatoire international des prisons et La Cimade ont adressé aux parlementaires leurs observations conjointes sur les articles 9 et 10 du texte. Ces articles s’inscrivent dans un contexte où les sortants de prison sont mis au cœur des priorités gouvernementales en termes d’éloignement et d’expulsion des étrangers. Ces dispositions marquent le renforcement de la « double peine » pour la quasi-totalité des étrangers condamnés par la justice pénale. Présentées comme « une mesure forte pour lutter contre les étrangers auteurs d’actes de délinquance extrêmement graves », elles portent en réalité sur une palette beaucoup plus large d’infractions, dont des délits de faible gravité, et donc de personnes. En effet, loin de viser les quelques centaines d’étrangers condamnés pour un crime (451 en 2021), ces dispositions concernent avant tout la très grande majorité des étrangers condamnés, qui le sont pour des délits.
L’Observatoire international des prisons a également signé une tribune publiée dans Libération le 30 novembre 2023. Il y dénonce un texte qui, « pousse à leur paroxysme un cadre juridique et des orientations politiques qui stigmatisent, criminalisent et répriment les personnes étrangères. Ces «indésirables», qui ont pour seul point commun de ne pas avoir la nationalité française, sont enfermés dans la catégorie des «autres», qu’on exclut pour faire société et dont on banalise les atteintes aux droits fondamentaux au nom d’une menace en puissance dont il faudrait se protéger. » Et conclut : « A mille lieux de ces mesures aussi arbitraires que discriminatoires, l’Observatoire international des prisons demande qu’il soit mis fin à la double peine. »
Aux côtés d’autres associations et syndicats, et d’universitaires et juristes, l’Observatoire international des prisons a adressé une contribution au Conseil constitutionnel, saisi afin de s’assurer de la constitutionnalité du texte avant promulgation. Cette contribution vise à démontrer l’inconstitutionnalité de certaines dispositions répressives du texte ou
introduisant une double peine pour certains étrangers. Plus spécifiquement, ces dispositions concernent :
– Le rétablissement du délit de séjour irrégulier,
– La déchéance de nationalité pour les auteurs d’homicide aggravé,
– Les liens entre carte de séjour et faits exposant à une condamnation pénale,
– La peine d’interdiction du territoire français,
– L’extension du domaine de l’obligation de quitter le territoire français,
– Le refus de renouvellement ou les retraits de cartes de résident en raison de la menace grave à l’ordre public.
Pour aller plus loin :
Prison et titres de séjour : le règne de l’arbitraire, 26 février 2021, par Julien Fischmeister
La fabrique des expulsables, 9 mars 2021, par Julien Fischmeister et Sixtine Leurent