La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la Belgique, la Bulgarie et la Hongrie pour avoir soumis des personnes incarcérées à des conditions de détention inhumaines et dégradantes.
Trois décisions en quatre mois. La Cour européenne rappelle aux européens ce que sont des conditions de détention relevant du traitement dégradant. Celui-ci résulte de l’effet cumulé de plusieurs facteurs. La surpopulation carcérale est un élément déterminant et peut, quand elle atteint un certain niveau, constituer à elle seule une violation de l’article 3, notamment quand l’espace disponible en cellule pour le requérant est inférieur à 3 m2. Toutefois, cette violation peut être écartée si l’enfermement en deçà de ce seuil minimal s’inscrit dans des périodes de quelques jours (Muršić c. Croatie 12 mars 2015). La Cour prend en compte d’autres éléments tels que l’exiguïté des cellules, la saleté des locaux, le manquement répété aux règles d’hygiène, le nombre réduit d’activités, l’insuffisance de promenades à l’air libre et l’absence d’intimité lors de l’utilisation des toilettes…
L’absence de recours effectifs dans les droits nationaux
Outre la reconnaissance d’un traitement dégradant, la Cour retient dans deux a aires la violation du droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention. Cette stipulation exige en effet que les personnes détenues disposent d’un recours leur permettant d’obtenir d’un juge une amélioration de leurs conditions de détention. La seule existence d’un recours indemnitaire, qui n’a pas pour objet de mettre un terme à l’indignité des conditions de détention n’est pas, à cet égard, suffisant. Ainsi, dans l’arrêt Vasilescu rendu contre la Belgique le 25 novembre dernier, la Cour précise qu’en l’absence de recours permettant de faire cesser des conditions de détention contraires à la dignité humaine, le requérant peut saisir directement la Cour européenne sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas s’être préalablement adressé au juge interne.
Les préconisations de la Cour
Dans ces arrêts pilotes, la Cour donne aussi aux gouvernements concernés des préconisations générales pour résoudre les problématiques structurelles constatées. Pour remédier au dysfonctionnement du système pénitentiaire hongrois, elle préconise une réduction du nombre de personnes détenues en développant des mesures alternatives à la détention. Les autorités devront également établir dans les six mois un calendrier pour la mise en œuvre de recours internes efficaces. A la Belgique et la Bulgarie, la Cour recommande de mettre en place des mesures générales, sans précision supplémentaire, a n d’assurer des conditions de détention conformes à la dignité humaine.
De nouveaux avertissements pour l’État français
Au regard de la vétusté d’une partie du parc pénitentiaire français et de la surpopulation endémique, la France, déjà condamnée pour les conditions de détention à la maison d’arrêt de Nancy (Canali c. France 25 avril 2013), pourrait faire l’objet d’une nouvelle condamnation. Après une saisine collective de personnes incarcérées dans les établissements de Ducos et Nîmes, l’étau se resserre. Les requérants français dénoncent eux aussi des conditions de détention indignes et l’absence de recours effectif pour les faire cesser. A l’instar du requérant belge, ils ont saisi la Cour européenne sans s’être tournés au préalable vers le juge français.
Ces recours ont pour but de faire reconnaître que les violations alléguées ne sont pas des incidents isolés mais résultent d’un dysfonctionnement général et de l’absence de garanties légales contre les traitements inhumains et dégradants.
Vasilescu c. Belgique 25 nov. 2014 ; Neshkov et autres c. Bulgarie 27 janv. 2015 ; Varga et autres c. Hongrie 10 mars 2015
Clémentine Danet