Le 23 juin dernier, trois détenus du centre pénitentiaire des Baumettes ont été sanctionnés par la commission de discipline de l’établissement de cinq jours de quartier disciplinaire et 500€ d’amende. La direction leur reprochait d’avoir retiré les fenêtres anti-bruit qui obstruent l’aération de leur cellule et rendent l’air irrespirable, en particulier en période de forte chaleur.
Installées en 2019 dans les cellules des quartiers femmes et arrivant hommes, qui donnent sur la rue, ces fenêtres visent à protéger les riverains des bruits provenant de la prison, après que nombre d’entre eux s’en sont plaint. Pour ce faire, seule une petite partie de la fenêtre, équipée de lames métalliques fixes et d’un filet destiné à prévenir les « yoyos »[1], peut être ouverte.
Un dispositif qui rend le quotidien invivable pour les personnes enfermées. « C’était irrespirable. Nous avons tout l’après-midi le soleil qui tape dans notre cellule », s’est justifié un des détenus concernés, dont les propos sont rapportés dans l’un des comptes rendus d’incident établis par l’administration pénitentiaire. Selon leur avocat, Me Genova, l’un d’entre eux a décrit, lors de la commission de discipline, les murs suintant de sa cellule, le sel et le sucre qui fondent, les champignons… « Il ajoutait avoir mal à la tête et ne plus arriver à dormir », rapporte-t-il. Un autre aurait évoqué les ventilateurs qui brassent de l’air chaud, l’odeur des toilettes et la buée qui restent après la douche rendant l’air irrespirable. Des descriptions auxquelles la présidente de la commission de discipline est restée insensible. « Cette dernière a dit que ces fenêtres coûtaient cher, que c’était l’argent de l’État », raconte Me Genova. Les trois hommes présents à l’audience ont donc non seulement été condamnés à un placement au quartier disciplinaire, mais également à rembourser les fenêtres.
Cette situation n’est pas nouvelle aux Baumettes et, selon nos informations, des personnes détenues sont régulièrement poursuivies et sanctionnées pour avoir démonté ces fenêtres. En juin 2019, une femme incarcérée dans l’établissement avait attaqué la prison devant le tribunal administratif[2], soutenant que ce dispositif ne permettait pas de ventiler suffisamment sa cellule. La direction de l’administration pénitentiaire avait à l’époque assuré que le système assurait un renouvellement de l’air conforme aux exigences de la réglementation et précisé que des systèmes de ventilation par des groupes froids seraient installés pour rafraîchir les cellules en période estivale. Rassuré, le tribunal avait alors rejeté la requête. Si la direction interrégionale des services pénitentiaires assure que « des centrales de traitement d’air avec réseau d’eau glacée ont bien été installées » depuis, la situation semble toujours invivable pour les personnes concernées. « On a des patients évacués parce qu’ils n’arrivent plus à respirer, ou pour crise d’angoisse, rapporte un soignant. S’ils fument, c’est terminé, c’est un enfer. Dès fois, ils sont deux ou trois par cellule et certains n’ont même pas de ventilateur ».
Par Charline Becker
[1] Ficelles qui permettent aux détenus de passer des objets par les fenêtres.
[2] Lire notre brève « Aux Baumettes, l’administration ferme les fenêtres, les détenues trinquent », juillet 2019.