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Amiens : un malade cancéreux incarcéré pour manquement à une obligation de soins.

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

Un malade du cancer a vu son sursis révoqué et a été incarcéré à Amiens, au motif qu’il ne déférait pas aux convocations de son travailleur social et qu’il ne respectait pas son obligation de soins en alcoologie, alors qu’il subissait durant cette période des interventions chirurgicales lourdes.
Une fois écroué, la procédure en vue d’une suspension de sa peine pour raison médicale a été initiée avec retard.

Le 5 mars 2003, M.A. est condamné par le tribunal correctionnel d’Amiens à 6 mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de 36 mois, avec obligation de soins, pour des faits de récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, et conduite malgré l’annulation judiciaire du permis de conduire. Une fois par mois, M.A doit se soumettre à un suivi psychologique dans un centre spécialisé en alcoologie. Or l’intéressé, atteint d’un cancer, est hospitalisé 14 fois entre janvier 2005 et avril 2006 pour 7 interventions dont certaines particulièrement lourdes. Ainsi, en août 2005, M.A. subit un quadruple pontage coronarien. De septembre à novembre 2005, M.A. est soumis à 3 séances de chimiothérapie et en décembre de la même année, il doit subir l’ablation du poumon droit suivie, en février 2006, d’une thoracotomie. Au total, M.A. aura subi six mois d’hospitalisation dans cette période.

C’est dans ce contexte que le juge de l’application des peines (JAP) du TGI d’Amiens révoque en mai 2006, son sursis. Le magistrat fonde sa décision sur le rapport du service pénitentiaire de probation (SPIP) indiquant que M.A « refuse de déférer aux convocations, estimant n’avoir plus de comptes à rendre du fait de la révocation partielle du sursis probatoire » et « qu’il ne se rend plus au centre d’alcoologie ». Le juge retient également que M.A. ne s’est pas rendu à une convocation en mars 2006 ; « qu’il a fait savoir qu’il était hospitalisé mais n’a justifié que d’un séjour hospitalier du 26 janvier au 21 février 2006 » et que la commission de délits de même nature en 2004, lui avait déjà valu la révocation de son sursis probatoire à hauteur de 2 mois. Pour le magistrat, « cette attitude constitue une infraction caractérisée aux obligations générales de la mise à l’épreuve et manifeste sa volonté de soustraire à la probation ». Enfin, le JAP relève « qu’il n’a justifié d’aucun motif légitime d’absence le jour du débat contradictoire [préalable à la décision de révocation du sursis] » .

Contacté par l’OIP, un responsable du service d’insertion et de probation indique que le rapport adressé au JAP préconisait, pour toute réponse aux manquements constatés, un simple rappel à loi. Quant au service de l’application des peines du TGI, il assure qu’il n’a, à aucun moment, été tenu informé de la gravité de l’état de santé de M. A.

Dès son incarcération à la maison d’arrêt d’Amiens le 12 juillet, M.A. signale au membre du personnel pénitentiaire chargé de l’entretien d’entrée ses problèmes de santé ainsi que sa volonté de bénéficier d’une suspension de peine pour raison médicale. Son état de santé nécessite en effet des soins pour des plaies opératoires et une artérite des membres inférieurs, ainsi qu’un suivi de la part du chirurgien ayant pratiqué la thoracotomie. M.A. est ensuite reçu en audience par le conseiller d’insertion et de probation (CIP) de permanence, celui chargé de son dossier étant en vacances. Le conseiller prend note des indications sur sont état de santé et sa demande d’aménagement de peine. Pourtant, quinze jours plus tard, aucune information n’a été transmise par les services pénitentiaires au juge de l’application des peines.

Ce n’est qu’après signalement par l’OIP de la situation de M.A. que le juge de l’application des peines demande au SPIP de lui transmettre les certificats médicaux nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d’aménagement de peine. Un débat contradictoire est prévu dans ce cadre le 21 août.

Interrogé sur ces retards, le SPIP explique qu’en raison de l’insuffisance de ses effectifs, des demandes émanant de personnes détenues ne peuvent être traitées. Dans la période suivant l’incarcération de M.A., seuls deux CIP sur les six habituellement en poste étaient présents à la maison d’arrêt, qui compte 520 détenus.

L’OIP rappelle :

-que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, « l’état de santé, l’âge et un lourd handicap physique constituent (…) des situations pour lesquelles la capacité à la détention est posée au regard de l’article 3 de la Convention » (interdiction des traitements ou peines inhumains ou dégradants), et que la France a été condamné pour le maintien en prison d’un détenu cancéreux (arrêt Mouisel c/ France du 14 novembre 2002) ;

-qu’aux termes d’une circulaire du ministère de la Justice du 25 novembre 2002, les directeurs d’établissements pénitentiaires et les services pénitentiaires d’insertion et de probation doivent «attirer l’attention du juge de l’application des peines et du parquet sur le cas des personnes posant de graves problèmes sanitaires dans la gestion de la détention ». Dans cette perspective, le texte prévoit que « Les entretiens menés par les travailleurs sociaux auront pour objet :
-d’appréhender la perception qu’a la personne détenue de son état de santé et de sa situation pénale, des difficultés spécifiques qu’elle rencontre et de ce qu’elle envisage à court et à plus long terme,
-de l’informer des dispositions législatives et réglementaires utiles au regard de sa situation et des dispositifs socio-sanitaires susceptibles de lui apporter une aide tant dans le cadre de la détention qu’à sa sortie,
-de l’accompagner, le cas échéant, dans la saisine du juge de l’application des peines. »

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