Free cookie consent management tool by TermsFeed

Atteintes aux droits fondamentaux à la prison de Fresnes : la Justice doit aller plus loin !

Saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP) et une dizaine de barreaux et syndicats d’avocats*, le juge des référés du tribunal administratif de Melun confirme que les conditions de détention au sein de la maison d’arrêt de Fresnes soumettent les personnes incarcérées à des traitements inhumains et dégradants et ordonne la mise en œuvre de neuf mesures visant à améliorer la situation. Mais il rejette les demandes les plus ambitieuses formulées par l’association pour remédier aux problèmes structurels de surpopulation et de vétusté. L’OIP fera donc appel de cette ordonnance devant le Conseil d’Etat.

Le 14 avril dernier, l’OIP avait saisi la justice pour demander un plan d’urgence global pour la maison d’arrêt des hommes de Fresnes. A plusieurs reprises ces derniers mois, les conditions de détention au sein de l’établissement avaient été dénoncées comme contraires aux droits fondamentaux et au principe de dignité humaine par le tribunal administratif de Melun, par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et par le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT), sans que les mesures d’urgence préconisées par ces instances n’aient été mises en œuvre par l’administration.

Dans son ordonnance du 28 avril 2017, le juge des référés fait droit à une partie des demandes formulées par l’OIP. Si l’association ne peut que se satisfaire des améliorations promises par cette décision, elle déplore que le juge ait estimé ne pas pouvoir ordonner de mesures visant à remédier aux causes structurelles des mauvaises conditions de détention dénoncées.

Des demandes matérielles en partie satisfaites

Constatant que le problème de la présence des nuisibles demeure entier, le juge indique que « les mesures tendant à la destruction des rats et des punaises de lit (…) doivent être amplifiées » afin que le nombre de nuisibles « soit très substantiellement diminué dans un délai de trois mois ». Il ordonne également à l’administration de procéder « au traitement ou au remplacement des matelas infestés par des punaises ».

Toujours sur un plan sanitaire, le juge des référés prescrit encore à l’administration d’« augmenter le rythme de renouvellement des trousses d’hygiènes remises par l’établissement aux détenus » ainsi que des « kit d’hygiène des cellules ». En outre, celle-ci doit prendre « toutes les mesures nécessaires au nettoyage régulier des parloirs et des lieux de circulation, éventuellement en renforçant le nombre de personnes affectées à cette tâche » dans un délai de trois mois. En particulier, le juge des référés ordonne à l’administration de « procéder quotidiennement à l’enlèvement des détritus jetés dans les couloirs et autres parties communes de l’établissement ».

L’ordonnance du 28 avril 2017 prescrit également à l’administration d’engager dans les six mois les travaux nécessaires au fonctionnement normal du chauffage dans toutes les parties de l’établissement et de garantir « une distribution optimale d’eau chaude et froide » dans les cellules. L’administration se voit par ailleurs contrainte « d’augmenter d’environ 10 %, à échéance d’une année, l’accès au travail des détenus ».

Constatant que « la pratique des fouilles à corps revêt encore un caractère trop systématique », le juge des référés enjoint aux autorités pénitentiaires de diffuser une nouvelle note de service rappelant les conditions dans lesquelles doivent s’effectuer ces fouilles.
Enfin, alors que les organismes de contrôle s’étaient inquiétés d’un usage parfois disproportionné de la force, ainsi que de faits de violence de certains personnels sur des détenus, le juge demande aux autorités pénitentiaires de « rappeler par une note de service les règles qui doivent prévaloir et de mettre en œuvre des actions de formation pour éviter que ne se crée un climat de tension exacerbée entre le personnel pénitentiaire et les personnes détenues ».

Les problèmes structurels restent sans réponse

L’OIP et les organisations d’avocats intervenantes sollicitaient l’engagement d’un plan global de rénovation de l’établissement. Ainsi que le révélait le CGLPL en décembre 2016, la maison d’arrêt de Fresnes « n’a manifestement pas bénéficié des investissements minimaux nécessaires aux exigences contemporaines et au respect des conditions d’hygiènes acceptables, fussent-elles sommaires ». Parloirs inadaptés, cours de promenades exiguës sans toilettes ni points d’eau, cellules humides et vétustes dans lesquelles les toilettes ne sont pas entièrement cloisonnées… Autant de manquements déplorés par les organismes de contrôle auxquels le juge des référés a estimé ne pas pouvoir remédier.

Surtout, l’OIP a sollicité sans succès le prononcé de mesures visant à faire baisser la surpopulation – le taux d’occupation de l’établissement avait encore augmenté ces derniers mois, passant de 190,5 % au 1er février à 193,1% au 1er mars et 197 % au 1er avril. En particulier, l’association et les organisations d’avocats demandaient à ce que des moyens humains, financiers et matériels supplémentaires soient alloués aux services judiciaires et pénitentiaires permettant le développement du prononcé d’aménagements de peine et de mesures alternatives à l’incarcération.

Pour une justice garante des droits fondamentaux

Reprenant la position traditionnelle du Conseil d’État, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a estimé que de telles demandes « ne sont pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre utilement et à très bref délai » et qu’elles ne peuvent donc pas être prescrites en référé-liberté. En d’autres termes, il n’existe pas, pour les personnes détenues, de voie de recours permettant d’améliorer effectivement leurs conditions de vie en détention et de faire cesser les violations des droits fondamentaux auxquelles elles sont soumises.

Une telle retenue du juge des référés, qui contribue à la persistance des causes structurelles des mauvais traitements subis par les personnes détenues à la maison d’arrêt de Fresnes, ne saurait être admise dans un État de droit.

L’OIP entend donc faire appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance obtenue afin qu’il soit fait droit à l’ensemble de ses demandes et que la Haute juridiction reconnaisse ce faisant au juge des référés des pouvoirs à la hauteur de la mission de gardien du respect des libertés et droits et libertés fondamentaux qui lui a été confiée par la loi.

Contact presse : Pauline De Smet – 01 44 52 88 00 – 07 60 49 19 96


* Ordres des avocats des barreaux de Paris, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, des Yvelines et des Hauts-de-Seine ; Syndicat des avocats de France (SAF), Union des jeunes avocats du barreau du Val-de-Marne et de Paris ; Fédération nationale de l’Union des jeunes avocats (FNUJA) ; Association pour la défense des droits des détenu (A3D).