Mercredi 16 janvier, Monsieur S. a été transféré de la prison de Bonneville (Haute-Savoie), d’où il est originaire, vers celle de Bourg-en-Bresse (Ain), située à 130 km. Conséquence : il ne peut plus bénéficier de parloirs avec ses parents, malades et incapables de parcourir de longues distances. Et toutes les démarches de réinsertion qu’il avait entamées lors de ses premiers mois de détention sont réduites à néant. Ces transferts visant à « désencombrer » des établissements surpeuplés sont fréquents et portent régulièrement atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues.
Condamné en novembre dernier à 18 mois de prison, Monsieur S. ne pourra plus bénéficier de la visite de ses parents au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse où il est désormais détenu. Ces derniers avaient pourtant saisi la direction de l’établissement, expliquant, certificats médicaux à l’appui, qu’ils ne pouvaient effectuer de trajets de plus de vingt kilomètres. Peine perdue, la direction a répondu que la « surpopulation pénale que connaît la maison d’arrêt ainsi que la durée du reste de la peine à effectuer [par Monsieur S.] ne [leur] permett[aient] pas de le garder en détention à la maison d’arrêt de Bonneville ».
En plus de rompre les liens de Monsieur S. avec sa famille, ce transfert met à mal son projet de réinsertion. Il avait en effet entamé des démarches avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation et avait trouvé un potentiel employeur dans une station de ski située à quelques kilomètres de Bonneville. Monsieur S. devra désormais reprendre ses démarches à zéro, bien loin de ses parents et dans une région dans laquelle il n’a aucune attache.
La situation de Monsieur S. est loin d’être isolée : pour faire face à la surpopulation de son établissement, la direction de la maison d’arrêt de Bonneville s’adonne régulièrement à des transferts de désencombrement, au détriment des projets de réinsertion des personnes détenues et du maintien de leurs liens familiaux. Cette pratique n’a en outre rien de récent : en 2013 déjà, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) mentionnait que deux cents transferts de désencombrement avaient été opérés de la maison d’arrêt de Bonneville vers les prisons de Bourg-en-Bresse, Aiton et Villefranche-sur-Saône. Le CGLPL souligne pourtant le « caractère illusoire [des transferts de désencombrement] dans un contexte de surpopulation qui n’épargne aujourd’hui quasiment aucun établissement » et rappelle que « les effets positifs pour l’établissement de départ et les personnes détenues qui y restent peuvent être très rapidement annihilés par de nouvelles incarcérations »[1]. Il pointe par ailleurs le fait que « cette procédure est par nature peu respectueuse de l’intérêt des personnes et de leur parcours d’exécution des peines ».
Les « transferts de désencombrement » ne sont pas propres à la prison de Bonneville. En témoigne notamment le cas de Monsieur M., transféré contre son gré de la prison de Perpignan à celle de Mende en décembre dernier. Il avait, lui aussi, initié de nombreuses démarches en vue de sa sortie avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation, la mission locale et une assistante sociale de la prison. Son père s’en est ému auprès de l’OIP : « Ils ont brisé tous ses projets et rendu caduque le travail et l’énergie dépensés par tous ces intervenants. »
Rappelons que l’article 1 de la loi pénitentiaire souligne « la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable ». Le CGLPL comme le Conseil de l’Europe pointent d’ailleurs régulièrement l’importance du maintien des liens familiaux en ce sens, et le ministère de la Justice lui-même le met en avant comme une « condition fondamentale de la réinsertion des personnes placées sous main de justice ».
Contact presse : Amid Khallouf · 09 50 92 00 34 · 06 50 73 29 04
[1] Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Dalloz, 2018.