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Centre de détention de Bapaume (62) : Le parquet s’oppose à la libération d’un malade du cancer.

La section française de l'OIP dénonce les faits suivants :

Le parquet d'Arras s'oppose à la libération d'un détenu atteint d'un cancer des poumons. Cette personne, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme, a de plus été hospitalisé d'office durant le mois de septembre en raison d'un état dépressif majeur avec un risque suicidaire. Le juge de l'application des peines doit rendre sa décision le 21 novembre prochain. Une première demande d'élargissement pour raisons médicales présentée par le détenu avait été rejetée en juin 2006.

Condamné en mars 2004 à sept ans d’emprisonnement accompagné d’un suivi socio-judiciaire de cinq ans, P. M. exécute actuellement sa peine au centre de détention de Bapaume. Il effectue des va-et-vient entre l’établissement pénitentiaire et l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale (U.H.S.I.) de Lille. Une expertise réalisée en septembre 2006 dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle présentée par l’intéressé indique que « l’espérance de vie de P. M. est limitée à moyen terme. Son état de santé est actuellement compatible avec une détention en milieu ordinaire. Néanmoins il ne le sera plus dans quelques mois ». L’expert signale en outre que l’évolution de l’état de santé de P.M. « a été marquée, en septembre 2006, par un état dépressif majeur avec projet suicidaire, justifiant une hospitalisation d’office (HO) » entre le 14 et le 22 septembre. Un an plus tôt, dans un rapport du 30 septembre 2005, le même médecin expert commis par le Juge d’application des peines (JAP) d’Arras indiquait « que l’état de santé et les traitements réalisés étaient incompatibles avec une détention en milieu ordinaire et nécessitaient une prise en charge en milieu hospitalier ». Cette expertise avait été ordonnée dans le cadre de l’examen d’une première demande de libération conditionnelle présentée le 16 août 2005. Au soutien de sa demande, P. M. faisait valoir une attestation du médecin de l’ U.H.S.I. de Lille datée du 25 juillet 2005 attestant qu’il souffrait « d’une pathologie chronique évolutive engageant le pronostic vital ».

L’expert psychiatre, également commis dans cette procédure, estimait quant à lui, le 7 février 2006, « que le risque de récidive [était] limité compte tenu de l’évolution générale du sujet sur le plan médical et de son positionnement nouveau à l’égard des faits, qu’il reconnaissait ». Le psychiatre soulignait en outre « que le condamné avait besoin d’une prise en charge ».

En dépit de ces deux expertises favorables, le JAP de Lille a rejeté le 3 mars 2006, la requête présentée par P. M. Le magistrat s’est fondé sur le fait que P. M. avait déjà fait l’objet d’un condamnation à dix ans de réclusion en 1991. Il a retenu également que l’intéressé, qui reconnaissait les faits, « n’indemnisait pas les victimes », « ne justifiait pas d’un suivi psychologique et d’un hébergement et avait, de surcroît, été condamné, le premier mars 2005, à six mois d’emprisonnement pour des menaces sur les victimes ».

Pour protester contre son maintien en détention, P. M. s’oppose depuis lors à toute prise en charge médicale. Ainsi, après avoir bénéficié de deux cycles de trois cures de chimiothérapies, le 07 avril 2006, P. M. refuse d’être hospitalisé à l’U.H.S.I. de Lille où devait être réalisé un nouveau bilan de contrôle. Depuis cette date, P. M. ne reçoit donc plus aucun soin pour son cancer. Dans une lettre adressée au médecin de l’U.H.S.I. en charge de son suivi, P. M.affirmait ne plus avoir la force de lutter et faisait part de son souhait de« mourir en prison, conformément aux vœux de la justice ».

Le 9 juin 2006, la Cour d’appel de Douai a confirmé le jugement rendu par le JAP de Lille. Elle a considéré que P.M. bénéficiait de soins adaptés au sein de l’U.H.S.I. de Lille. Elle en a pris pour preuve le rapport d’expertise médicale du 30 septembre 2005 dont il ressortait que le protocole de chimiothérapie dont bénéficiait P.M. était « bien supporté sur les plans cliniques et biologiques » et que son état de santé « n’apparaissait pas incompatible avec son maintien en détention dès lors qu’il bénéficiait des services de l’U.H.S.I. de Lille dont l’organisation permet, sur le plan sanitaire, de développer la qualité de soins offerts aux personnes détenues ».

Désormais en mesure d’indemniser ses victimes et assuré de disposer d’un logement adapté à son état de santé à sa sortie, P. M a déposé une nouvelle demande de libération conditionnelle pour raisons médicales. Lors du débat contradictoire qui s’est tenu le 6 novembre, le parquet s’est cependant opposé à la libération de P. M. en raison de la gravité des faits ayant entraîné sa condamnation, le risque de récidive et considérant, en outre, que son état de santé était actuellement compatible avec la détention. Le jugement a été mis en délibéré au 21 novembre.

 

L’OIP rappelle :

– que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, « l’état de santé, l’âge et un lourd handicap physique constituent (…) des situations pour lesquelles la capacité à la détention est posée au regard de l’article 3 de la Convention » (interdiction des traitements ou peines inhumains ou dégradants), et que la France a été condamné pour le maintien en prison d’un détenu cancéreux (arrêt Mouisel c/ France du 14 novembre 2002).