Vendredi 18 novembre dans la matinée, la direction de la prison de Roanne était contrainte de lever la mesure de placement à l'isolement provisoire dont G.A. avait fait l'objet 4 jours auparavant, relevant qu'une « erreur matérielle invalid[ait] l'ensemble de la procédure d'urgence » engagée à son encontre. L'après-midi même, elle mettait en œuvre une nouvelle procédure de placement à l'isolement, reprochant à l'intéressé ses moyens d'expression et de communication, estimant qu'ils portent atteinte à la sécurité de l'établissement.
La direction du centre de détention de Roanne envisage à nouveau de placer G.A. au quartier d’isolement pour une durée de trois mois à l’issue d’un débat contradictoire qui se tiendra à la prison demain à 14h. Elle vise pour ce faire 4 motifs. En premier lieu, « une pétition adressée à l’OIP sur le fonctionnement des parloirs familles et des UVF que nous a transmis votre avocat le 13 octobre 2011 ». En second lieu, « vos demandes répétées d’être entendu aux côtés de votre avocat par le Chef d’établissement suite à cette pétition ». Ensuite, la direction s’appuie sur « un courrier anonyme » qu’elle aurait reçu mi-octobre, et qui « dénonce [G.A.] comme ayant incité à un mouvement collectif ». Enfin, elle fonde sa décision sur « courrier en recommandé » que G.A. lui a transmis début novembre, « dans lequel vous présentez une lettre que vous envisagez d’envoyer au Ministère de la Justice et à d’autres autorités ». Et relève que « cette lettre reprend les mêmes sujets que la pétition transmise par votre avocat », et « doit également faire l’objet d’une diffusion à la population pénale (…) pour multiplier les signatures ».
Contactée le 18 novembre, la direction n’hésite pas à reconnaître que c’est parce que l’intéressé « a une attitude qui consiste à donner le sentiment à l’extérieur, par des moyens condamnables et mensongers, que le régime de vie à Roanne est proprement scandaleux », que l’isolement est envisagé à nouveau. Au total, ce sont donc les moyens de communication et d’expression utilisés par G.A. qui lui sont reprochés. Et ce alors même que l’intéressé s’est contenté d’exprimer ses griefs auprès de la seule direction et de son avocat, l’OIP n’ayant pas été destinataire de la « pétition » en cause avant de prendre connaissance de la procédure d’isolement.
L’administration avait procédé au placement de l’intéressé à l’isolement provisoire lundi 14 novembre dernier. Elle avait été contrainte de lever cette mesure 4 jours plus tard, relevant qu’une « erreur matérielle invalide l’ensemble de la procédure d’urgence ». L’irrégularité de la procédure avait été soulevée par le conseil de G.A. qui, dans un mémoire en défense transmis à la direction, notait que son client avait été informé de ses droits le lendemain de son placement à l’isolement, contrairement aux textes qui prévoient que cette information doit avoir lieu « dès le placement ». La direction reconnaissait auprès de l’OIP que la procédure initiale engagée contre G.A. « était inadaptée aux motifs qui caractérisent l’urgence » et avouait que l’administration n’a pas souhaité « prendre le risque d’avoir une annulation (…) par une juridiction administrative ». Forcée de ré-affecter G.A. en détention ordinaire vendredi matin, l’administration pénitentiaire l’informait quelques heures plus tard de son intention de le replacer au quartier d’isolement et engageait pour ce faire une nouvelle procédure de placement à l’isolement.
L’OIP a déjà fait savoir le 17 novembre que les 3 motifs sur lesquels s’était appuyée l’administration dans la première procédure d’isolement étaient insusceptibles, en droit, de permettre un telle mesure. Le quatrième motif invoqué aujourd’hui, relatif à l’expression des opinions de l’intéressé auprès de la direction locale, n’échappe pas à ce constat. L’OIP s’inquiète du détournement de la procédure d’isolement aux fins de faire taire un détenu qui cherche à s’exprimer sur ses conditions de détention.
L’OIP rappelle à nouveau :
– que l’isolement est une mesure « de protection ou de sécurité » (article 726-1 du code de procédure pénale) qui doit « procéder de raisons sérieuses et d’éléments objectifs et concordants » permettant « de redouter des incidents graves de la part de la personne détenue concernée ou dirigés contre elle » (circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l’isolement des personnes détenues) et que : « l’isolement ne constitue pas un mode de gestion de la population pénale » (même circulaire);
– que le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe vient de rappeler dans son rapport annuel publié le 10 novembre que « l’isolement ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles, en dernier ressort et pour la durée la plus courte possible » ;
– qu’en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits, la libre expression des personnes détenues sur leurs conditions de détention est spécialement protégée. La Cour européenne des droits de l’homme va jusqu’à considérer que, « eu égard à la vulnérabilité des personnes détenues, […] les punitions infligées aux prisonniers » doivent « reposer sur des justifications particulièrement solides » même s’ils ont « formulé de fausses accusations concernant leurs conditions de détention » (CEDH, Yankov c/Bulgarie, 11 décembre 2003, §134).