Free cookie consent management tool by TermsFeed

Centre pénitentiaire de Ducos : le juge confirme une violation grave des droits fondamentaux

Saisie par l’OIP de la situation dramatique de la prison martiniquaise de Ducos, la justice reconnaît les atteintes graves portées aux droits fondamentaux des personnes détenues dans cet établissement et prononce une série de prescriptions visant à l’amélioration des conditions de détention. Mais elle refuse d’ordonner les mesures réclamées par l’association dans le but d’endiguer la surpopulation endémique du centre pénitentiaire, pourtant cause première des mauvais traitements dénoncés.

Dans une décision rendue le 17 octobre 2014, le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France vient d’ordonner à la ministre de la Justice la mise en œuvre de mesures urgentes pour remédier aux conditions inhumaines de détention au centre pénitentiaire de Ducos.

Face à la présence d’animaux nuisibles au sein de l’établissement, le juge requiert la réalisation d’une opération de dératisation et de désinsectisation de l’ensemble des locaux dans un délai de dix jours. Afin d’endiguer plus durablement le problème, il enjoint en outre à l’administration de « conclure dans les meilleurs délais un nouveau contrat de dératisation assurant un passage plus fréquent de l’entreprise, de nature à apporter une réponse efficace à l’ampleur des difficultés rencontrées ». S’attachant aux graves problèmes d’hygiène, le juge des référés ordonne à l’administration de fournir aux détenus des produits de nettoyage, des poubelles et des sacs poubelles « en nombre suffisant », ainsi que de faire procéder à un lessivage complet des cellules au moins une fois par an. Relevant qu’« il est de la responsabilité de l’administration de permettre aux détenus de pouvoir à leur hygiène personnelle, sans que cette possibilité dépende de leurs capacités financières », il prescrit en outre à celle-ci de renouveler régulièrement le kit de produits d’hygiène corporelle qui n’était jusqu’à présent remis aux détenus qu’au moment leur arrivée dans l’établissement. Le juge des référés se saisit par ailleurs du problème des cours de promenades insuffisamment entretenues qui, du fait de la présence d’eaux stagnantes, sont impraticables en temps de pluie. Relevant qu’une telle situation prive de fait les détenus de leur droit de bénéficier d’une sortie quotidienne à l’air libre en cas d’intempéries, il ordonne à l’administration de faire procéder aux travaux nécessaires « avant la fin de l’année 2014 ». Enfin, le juge des référés entend répondre aux graves carences qui affectent la prise en charge médicale des personnes détenues du centre pénitentiaire de Ducos en prescrivant à la ministre de la Justice de prendre « dans les plus brefs délais » les mesures nécessaires pour que l’établissement bénéficie d’un « médecin généraliste supplémentaire à plein temps » et pour « qu’un médecin puisse intervenir la nuit et week-end en tant que de besoin ».

L’OIP prend acte de cette décision ainsi que de l’engagement de la ministre de la Justice, formulé ce jour par voie de communiqué, de mettre immédiatement en œuvre les mesures ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France. L’association s’étonne cependant de ce qu’un recours au juge ait été nécessaire pour que de telles mesures, essentielles au respect élémentaire de la dignité humaine, soient adoptées et elle contrôlera étroitement leur réalisation effective.

Un emplâtre sur une jambe de bois

Les mesures prescrites par le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France ne doivent néanmoins pas faire oublier que le problème central du centre pénitentiaire de Ducos réside dans la surpopulation endémique que connaît cet établissement depuis des années. Et qui perdurera tant qu’aucune mesure durable ne sera prise pour mettre un terme à la situation de promiscuité qui résulte du recours effréné à l’emprisonnement. L’OIP ne peut donc que regretter que la question de l’affectation des moyens nécessaires au développement des mesures d’alternative à l’incarcération et d’aménagements de peine soit restée dans l’angle mort du contrôle du juge des référés comme dans celui de la ministre de la Justice, dont les engagements aussitôt pris s’avèrent exclusivement tournés vers la situation matérielle du centre pénitentiaire et le rappel du programme d’extension du parc pénitentiaire.

Pourtant « aucun projet d’extension sur le site de Ducos ne saurait résoudre à lui seul le problème de la surpopulation carcérale » ainsi que le soulignaient déjà en 2011 les sénateurs Christian Cointat et Bernard Frimat. Aussi faut-il rappeler que la construction des 160 nouvelles places de prison supplémentaires au centre pénitentiaire de Ducos dont l’ouverture est prévue à l’horizon 2015 apparaît non seulement d’ores et déjà insuffisante à résorber la surpopulation que connaît aujourd’hui cet établissement mais s’est également faite au détriment du développement de mesures d’aménagement de peine, telles que le placement à l’extérieur, pourtant nettement plus propices à la réinsertion sociale des personnes privées de liberté.

A l’instar de ce qu’écrivait l’actuelle Directrice de l’administration pénitentiaire dans un rapport de 2013, tout le monde s’accorde sur le fait que « seule une politique pénale raisonnée et une redynamisation de la politique d’application des peines sont de nature à décompresser la situation ». La ministre de la Justice elle-même, dans une circulaire du 2 janvier 2014, appelait les autorités judiciaires locales à « dynamiser les aménagements de peine » afin de désengorger le centre pénitentiaire de Ducos. Toutefois, cette ambition se heurte aujourd’hui à un manque de moyens financiers et humains considérable et risque de demeurer lettre morte face au refus du juge des référés de contraindre le ministère de la Justice à adopter des mesures qui soient à la hauteur de ses annonces de politique pénale.

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé à de nombreuses reprises que la promiscuité résultant de la surpopulation des établissements pénitentiaires constitue, en tant que telle, un traitement inhumain et dégradant. Malgré les mesures prescrites par le juge des référés, dont l’OIP-SF ne peut que se féliciter, les personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos demeureront donc soumises à des mauvais traitements d’une particulière gravité tant qu’aucune mesure concrète ne sera prise pour endiguer durablement la surpopulation que connaît cet établissement.

Soutenez la diffusion du guide du prisonnier