Le 2 février, un homme incarcéré à Meaux est décédé. Il avait été hospitalisé quelques jours plus tôt, à la suite d’une violente altercation avec des surveillants. Cette tragique histoire a poussé le ministre de la Justice à diligenter une inspection. Une réaction qui doit être saluée mais ne doit pas faire oublier que trop de cas de violences commises par des agents pénitentiaires sur des détenus restent dans l’ombre, faute de preuves et d’enquête effective : au-delà de cette affaire, il est essentiel que le gouvernement s’empare de cette question.
Le 25 janvier 20201, Jimony R., 28 ans, incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, est hospitalisé en arrêt cardiovasculaire. Il décèdera huit jours plus tard, le 2 février. Cette hospitalisation a fait suite à une violente altercation entre le détenu et des surveillants, au cours de laquelle Jimony aurait été, selon le témoignage d’un agent pénitentiaire, « roué de coups » notamment « à la tête (…) alors qu’il était menotté et maîtrisé au sol », puis placé au quartier disciplinaire. Si l’autopsie a révélé des ecchymoses et contusions sur le corps du détenu, les experts ont néanmoins précisé que cela n’avait « pas eu d’incidence sur le processus mortel ». Informé de la situation, le ministre de la Justice a annoncé, le 4 février, avoir diligenté une inspection pour « faire toute la lumière sur cette affaire ».
Certes, cette décision s’imposait au vu des révélations parues dans la presse et de la gravité des faits. Elle mérite cependant d’être soulignée. Car si les allégations de violences commises par des personnels pénitentiaires à l’encontre de prisonniers sont récurrentes, il est rare qu’elles bénéficient de la part des pouvoirs publics de l’attention nécessaire, de même qu’elles ne font pas suffisamment l’objet d’enquêtes effectives de la part des autorités administratives et judiciaires.
Dans un rapport d’enquête[1] d’une ampleur inédite sur les violences perpétrées par des agents pénitentiaires sur des personnes détenues, publié en juin 2019, l’Observatoire international des prisons-section française soulignait l’opacité, l’omerta et l’impunité qui règne autour de ces pratiques. L’association dénonçait aussi le désintérêt que suscitait cette question de la part des autorités, relevant même du déni. La ministre de la Justice d’alors, Nicole Belloubet, n’avait pas donné suite aux demandes de rendez-vous de l’association afin de discuter des conclusions et recommandations de ce rapport. Alors que la France a été condamnée en décembre 2019 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir non seulement fait subir des violences à une personne détenue mais n’avoir pas diligenté d’enquête effective sur ces faits, le gouvernement allait jusqu’à répondre qu’il n’avait pas connaissance de faits similaires. Et affirmait qu’il ne s’agissait « que d’un cas d’espèce isolé, advenu dans des circonstances particulières et n’étant pas amené à se reproduire ».
L’OIP continue de recevoir en moyenne un signalement tous les trois jours de violences commises par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues. L’association prend donc bonne note de la réaction du ministère de la Justice dans l’affaire Jimony R. et restera attentive à ce que les circonstances qui ont entraîné son placement au quartier disciplinaire soient tirées au clair. Elle veillera également à ce que si des liens existent entre ces événements et le décès du jeune homme, ils soient établis et révélés. Mais elle souhaite aussi qu’au-delà de cette affaire, le gouvernement se saisisse enfin de cette question et prenne les mesures nécessaires pour mettre un terme aux rouages qui permettent à ces violences de se perpétuer.
Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96
[1] « Omerta, opacité, impunité : enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues », OIP-SF, juin 2019.