Huit mois d'attente pour démarrer un suivi régulier avec un psychologue. Sept semaines pour les soins dentaires (« hors périodes de congés », le remplacement du dentiste n'étant alors pas assuré). Quinze jours environ pour une consultation en psychiatrie, un à sept jours pour la médecine générale... Tels sont les délais de prise en charge médicale (hors urgences) indiqués par l'Unité sanitaire du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (77), en réponse à une saisine de l'OIP après plusieurs plaintes de personnes détenues.
Dans un courrier du 9 octobre 2014, l’Unité sanitaire précise néanmoins que « les urgences de toutes natures (notamment somatiques, psychiatriques, médico-psychologiques et dentaires) sont traitées au jour le jour sur des plages non programmées ».
En cause, une sous-dotation en personnels de santé : 0,89 équivalents temps plein de dentistes pour 1000 détenus, alors que le taux moyen national en détention, déjà insuffisant, est de 1,57 (Cour des comptes, 2014). Pour les psychiatres, le taux d’ETP à Meaux est de 1,11, contre 3,16 au niveau national. Pour les psychologues, il est de 4,47 pour 5,22. Et pour les médecins généralistes, de 2,23 pour 3,37. A ce manque de moyens humains, s’ajoute « un taux non négligeable d’absentéisme des patients à leurs rendez-vous ». Parmi les explications, l’Unité sanitaire signale « un sous-effectif des personnels de surveillance », qui sont chargés d’accompagner les détenus aux consultations.
Le problème est aggravé par la surpopulation à Meaux-Chauconin, qualifiée de « critique » par l’administration pénitentiaire dans son rapport d’activité 2013, tandis que l’Unité sanitaire décrit un quartier centre de détention « saturé » et des quartiers maison d’arrêt surencombrés « à plus de 170 % ». Au 1er octobre 2014, le centre pénitentiaire accueille 894 détenus pour 637 places (dans 527 cellules).
La dotation en personnels médicaux s’est avérée insuffisante dès l’ouverture du CP en 2005, sur-occupé à peine un an après sa mise en service. A cela s’est ajouté le rattachement, en 2009, d’un quartier « nouveau concept » de 56 cellules. « Les locaux comme les moyens de l’unité sanitaire sont [alors] demeurés constants », soulignent les soignants.
L’OIP rappelle :
– Selon les Règles pénitentiaires européennes, dont le respect est l’un des objectifs affichés de l’administration pénitentiaire française, « Les détenus doivent avoir accès aux services de santé proposés dans le pays sans aucune discrimination fondée sur leur situation juridique » (règle 40.3).
– Le rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes qui constate que « malgré les efforts réalisés, l’action publique n’est pas encore, vingt ans après la loi de 1994, à hauteur des enjeux humains et de santé publique auxquels celle-ci entendait alors répondre » et recommande de « renforcer l’offre de soins, prioritairement psychiatriques, en accélérant la modernisation des lieux et des modalités d’exercice des équipes médicales, le cas échéant, par mobilisation complémentaire de crédits de l’assurance maladie, et en assurant une meilleure homogénéité des conditions de prise en charge ».