Dans deux arrêts rendus le 8 juillet 2020, la Cour de cassation vient de tirer les conséquences de la récente condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme : désormais, le juge doit ordonner la libération des personnes placées en détention provisoire si leurs conditions de détention sont contraires à la dignité humaine. Une nouvelle avancée pour les droits des détenus, obtenue dans le cadre d’un long combat contentieux initié par l’OIP.
Le 30 janvier 2020, au terme d’une campagne contentieuse conduite avec le soutien de l’OIP, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour l’indignité des conditions de détention dans plusieurs prisons surpeuplées. Elle retenait également la violation du droit à un recours, au motif que les personnes incarcérées ne disposaient d’aucun moyen juridique leur permettant de faire cesser de telles conditions de détention. Et invitait la France à prendre des mesures générales pour résorber la surpopulation ainsi que pour mettre en place un recours effectif.
Alors que plus de cinq mois après cet arrêt historique, le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi, la Cour de cassation, saisie par deux personnes détenues soutenues par l’OIP, vient de tirer les conséquences de la condamnation européenne. Soulignant que ces recommandations s’adressent « au gouvernement et au Parlement », la haute juridiction indique qu’il appartient cependant aux juges français de tenir compte des décisions de la Cour européenne « sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires » : le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, doit « veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité humaine » et « s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant ». En conséquence, ce dernier a « l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif » permettant de faire cesser la violation de ses droits fondamentaux. Constatant que les dispositions législatives applicables aux demandes de mise en liberté ne prévoient pas l’existence d’un tel recours, la Cour de cassation décide de les soumettre au contrôle du Conseil constitutionnel en transmettant à ce dernier une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Surtout, la Cour de cassation juge nécessaire que ce recours puisse être dès à présent exercé dans le cadre d’une demande de mise en liberté et en propose un guide pratique : lorsqu’une personne fournit une description de ses conditions de détention « suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne », la chambre de l’instruction doit, « dans le cas où le ministère public n’aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, (…) faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’en apprécier la réalité ». Lorsque ces vérifications ont été effectuées, si elle constate « une atteinte au principe de dignité à laquelle il n’a pas entre-temps été remédié », la chambre de l’instruction « doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l’astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ».
L’Observatoire international des prisons ne peut que se satisfaire des décisions rendues par la Cour de cassation qui, mettant en œuvre les recommandations la Cour européenne des droits de l’homme, garantissent enfin aux personnes détenues un recours contre les conditions de détention inhumaines ou dégradantes.
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