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Dommages médicaux et familiaux liés à une détention provisoire

La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :

M.G. est en détention provisoire depuis décembre 2006. Cette situation a entraîné le placement de ses deux filles, âgées de 11 et 16 ans dans une famille d'accueil, ainsi que la perte des droits sociaux et du logement dont bénéficiait la famille, faute d'avoir pu renouveler son titre de séjour. Gravement malade, elle vient, en février, de se voir refuser pour la troisième fois une remise en liberté pour raison médicale.

Le 21 décembre 2006, M.G., sénégalaise de 45 ans, mère de deux enfants mineurs, est incarcérée en détention provisoire à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne) puis à Fresnes (Val-de-Marne). Elle est soupçonnée d’être mêlée à une affaire de stupéfiants, délit pour lequel elle a déjà été condamnée en 2002. Après cette première incarcération, la famille s’était stabilisée. M.G. bénéficiait d’une autorisation de séjour pour soins, de l’aide au logement, des allocations familiales et de l’allocation adulte handicapé. Ses deux filles, âgées de 11 et 16 ans, étaient scolarisées et l’aînée avait décroché une bourse au mérite pour être interne, au vu de ses résultats scolaires brillants.

Suite à l’incarcération de leur mère, les deux filles ont pu rester chez elles dans un premier temps, prises en charge par une personne de leur famille, puis par « un tiers digne de confiance ». En décembre 2007, elles ont cependant dû être placées dans une famille d’accueil, car le loyer du logement ne pouvait plus être réglé, faute d’allocations. Celles-ci dépendaient en effet du titre de séjour de la mère. Or, il était arrivé à expiration au tout début de son incarcération et les demandes d’autorisation de sortie sous escorte pour que M.G. puisse se rendre à la préfecture afin de le faire renouveler étaient refusées par le juge. Celui-ci a finalement accepté en juillet 2007 qu’elle dépêche un mandataire. Il a fallu encore deux mois pour que la préfecture accepte de remettre le titre de séjour et qu’une procédure de renouvellement soit lancée. Entre-temps, sans titre de séjour valable, M.G a vu les aides sociales dont bénéficiait la famille suspendues les unes après les autres. Le 14 décembre 2007, lorsqu’elle apprend que le juge des enfants a décidé le placement de ses filles, M.G. tente de se suicider. Elle est emmenée à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes où elle fait une seconde tentative. Les enfants ont également de plus en plus de mal à supporter cette situation, et notamment la fille aînée. Ses résultats scolaires baissent, le proviseur doit mettre en place un soutien scolaire. Les contraintes liées au placement des enfants rendent en outre les visites à la prison plus difficiles : la famille d’accueil doit assurer l’accompagnement hebdomadaire au parloir, alors qu’ils habitent à 30 km de Fresnes et qu’ils gardent d’autres enfants.

Au fil des mois, l’état de santé de M.G. s’est en outre dégradé, au point de nécessiter plusieurs hospitalisations à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, puis en septembre 2007 en urgence à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre pour une dizaine de jours, en proie à de violentes douleurs. En janvier 2008, la maladie redevient active. Une médication agressive lui est administrée. Elle est à nouveau hospitalisée au début du mois de février.

Trois demandes de remise en liberté ont été refusées au motif qu’il existe un « risque de réitération du délit ». L’instruction est close depuis le mois de décembre. Selon l’avocat de M.G, il n’y a aucun élément nouveau depuis la confrontation du mois de juin 2007. La date du procès n’est toujours pas connue.

L’OIP rappelle :

– l’article 137 du Code de procédure pénale : « L a personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire ».

– la Recommandation R (80) 11 relative à la détention provisoire » du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe de 1980, en particulier en ce qui concerne les principes généraux suivants : « Étant présumé innocent tant que la preuve de sa culpabilité n’a pas été établie, aucun prévenu ne doit être placé en détention provisoire, à moins que les circonstances ne rendent cette détention strictement nécessaire. La détention provisoire doit ainsi être considérée comme une mesure exceptionnelle et ne jamais être obligatoire ni utilisée à des fins punitives ».

– le rapport du Comité européen de prévention de la torture (CPT), suite à sa visite en France en 2003, qui en appelle « aux autorités françaises pour qu’elles s’inspirent […] de la Recommandation R(80) ».