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En prison, des violences d’État mais point d’images

À l’heure où le débat sur la proposition de loi relative à la sécurité globale rencontre celui sur les violences policières, l’OIP rappelle qu’il est un autre espace, non public, où la légitimité de la violence étatique devrait être questionnée et où aucun débordement ne devrait être toléré : la prison. Dans cet univers clos, l’administration dispose d’un contrôle quasi absolu des images, rendant encore plus complexe l’établissement de la vérité et la possibilité pour les personnes détenues d’obtenir justice.

Depuis la publication, le 20 octobre dernier, de la proposition de loi relative à la sécurité globale, de très nombreuses voix s’élèvent, de toutes parts et à juste titre, pour dénoncer l’entrave que son article 24 opposerait à la révélation de violences commises par des membres des forces de l’ordre.

Centré sur la captation des images des forces de l’ordre et sur la diffusion de ces images en cas d’allégations de violences commises par les personnes dépositaires de l’autorité publique, ce débat souligne l’importance de l’existence de ces images et leur rôle dans l’établissement de la vérité. Cette question, brûlante à l’extérieur, l’est encore plus à l’intérieur des murs des prisons.

En 2019, l’OIP publiait un rapport d’enquête qui révélait l’ampleur des violences perpétrées par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues et dénonçait les rouages qui permettent à ces violences de se perpétuer. Parmi eux, l’impunité de leurs auteurs : dans ce monde de captivité, les obstacles pour porter plainte sont nombreux et les plaintes le plus souvent classées sans suite faute de preuve. Ici, point d’image : la détention d’un téléphone portable est strictement prohibée et sanctionnée. Les violences sont le plus souvent commises à l’abri de l’œil des caméras de surveillance et, lorsque ce n’est pas le cas, les enregistrements sont quasi systématiquement écrasés avant que les victimes ne soient parvenues à les faire conserver par la justice. Ce contrôle de l’information, doublé d’une culture de la loi du silence, rend encore plus compliquées la recherche de la vérité et la possibilité pour les personnes détenues de disposer d’un recours effectif.

Le 5 décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait d’ailleurs la France pour n’avoir pas sanctionné des violences en série commises sur une personne détenue au centre pénitentiaire de Salon-de-Provence douze ans plus tôt. La justice française, pourtant saisie d’un dossier fortement étayé, n’avait pas donné suite.

Malgré les condamnations en justice et les alertes de l’OIP, force est de constater qu’aucune mesure n’a été prise pour rompre avec ces pratiques. Pourtant, des recommandations concrètes pouvant être mises en œuvre rapidement étaient proposées aux différentes parties impliquées, et notamment au ministre. Parmi elles figuraient entre autres :

– Permettre l’identification des agents pénitentiaires par le port d’un matricule visible ;
– Prévoir l’extraction systématique des images de vidéosurveillance en cas d’incident et créer un délai minimum de conservation d’au moins six mois, comme le demande le Défenseur des droits ;
– Prévoir des dispositifs d’information et d’assistance juridique permettant aux personnes détenues de déposer plainte en cas de violence (type permanence d’avocats, permanence du parquet, points d’accès au droit dont les champs de compétence seraient revus, etc.).
– Permettre les saisines individuelles et confidentielles par les personnes détenues de l’Inspection générale de la justice ;
– Intégrer au champ réglementaire les dispositions relatives à l’encadrement de la force par les agents de l’administration pénitentiaire afin qu’elles puissent faire l’objet d’un contrôle du juge.

Dans le contexte de débat essentiel autour de la question des violences policières, le président de la République vient de demander au gouvernement de « faire rapidement des propositions pour réaffirmer le lien de confiance qui doit naturellement exister entre les Français et ceux qui les protègent ». Le ministre de la Justice y verra-t-il une occasion d’enfin prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser l’omerta, l’opacité et l’impunité qui règnent autour des violences pénitentiaires ?

Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96

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