Par un arrêt du 30 décembre 2014, le Conseil d’État a tranché sept années de bataille judiciaire en reconnaissant que les personnes placées en cellule disciplinaire dans la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pouvaient être exposées à des traitements contraires à la dignité humaine. Si le quartier disciplinaire de la maison d'arrêt des hommes a entre temps été rénové, celui de la maison d'arrêt des femmes continue d'être utilisé sans qu'aucune véritable amélioration n'ait été apportée. L’OIP demande sa fermeture immédiate.
En juillet 2007, à la demande de l’OIP, un expert rendait un rapport accablant sur l’état matériel des locaux disciplinaires de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis : particulièrement dégradés, sujets à des infiltrations pouvant conduire à leur inondation en cas de pluie, insuffisamment ventilés et éclairés, mal entretenus et dans un état de saleté critique, etc. L’OIP demandait alors en vain au directeur de l’établissement de fermer ces locaux qui ne garantissaient pas aux personnes détenues des conditions de détention conformes à la dignité humaine. Plusieurs parlementaires ayant visité la maison d’arrêt avaient par ailleurs virulemment dénoncé cette situation, le Sénateur Louis Mermaz déclarant ce quartier disciplinaire « immonde. C’est le moyen âge, un cul de basse fosse. (…) Quand à ce qui sert de promenade, on n’oserait pas y mettre un ours ». En janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour y avoir enfermé un homme dans des conditions qu’elle jugeait « de nature à lui causer des souffrances aussi bien mentales que physiques ainsi qu’un sentiment d’une profonde atteinte à sa dignité humaine. »
Immonde. C’est le moyen âge, un cul de basse fosse. (…) Quand à ce qui sert de promenade, on n’oserait pas y mettre un ours
Le sénateur Louis Mermaz à propos du quartier disciplinaire de la prison de Fleury-Mérogis.
Sept années plus tard, le Conseil d’Etat était amené à se prononcer, le 30 décembre dernier, sur la légalité du refus opposé par le directeur à la fermeture demandée par l’OIP. Le quartier disciplinaire de la maison d’arrêt des hommes ayant depuis été déplacé dans une autre partie de l’établissement, il considère qu’il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie du litige. Mais, s’agissant du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt des femmes, il estime que, compte tenu du non respect des standards minimum d’hygiène et de salubrité, les personnes les plus vulnérables ou celles y étant affectées pour de longues périodes ont pu y être soumises « à des épreuves physiques et morales qui (…) excédaient le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et étaient, dès lors, attentatoires à la dignité des intéressées ». Cette situation, selon le Conseil d’Etat, aurait dû conduire le directeur de l’établissement à cesser d’utiliser ces locaux disciplinaires.
Le juge écarte par ailleurs l’argument du ministère de la Justice qui soutenait que la fermeture du quartier disciplinaire aurait de graves conséquences sur l’ordre et la sécurité dans l’établissement. Il rappelle que « même rapportées aux motifs susceptibles de les justifier et notamment aux exigences qu’impliquait le maintien de la sécurité et du bon ordre dans l’établissement », l’exécution de sanctions disciplinaires dans ces conditions avaient pu porter atteinte à la dignité des personnes détenues. Il réaffirme ainsi le caractère intangible du respect de la dignité humaine qui, aux termes de la jurisprudence européenne, s’impose aux Etats membres quels que soient les obstacles ou contraintes matérielles et financières qu’ils peuvent rencontrer.
L’état matériel et l’organisation des locaux disciplinaires de la maison d’arrêt des femmes n’ont connu quasiment aucune amélioration depuis 2007. Il y a un mois encore, l’OIP relayait les plaintes de cinq femmes qui y étaient placées. Elles pointaient notamment le manque de lumière et d’aération, l’absence de mobilier et la vétusté des sanitaires de la plupart des cellules disciplinaires. Si des travaux de rénovation sont bien prévus dans cette partie de l’établissement, ils n’ont toujours pas débuté et ne seront pas terminés avant des années de sorte que les détenues pourront continuer à être placées dans ces cellules qui portent atteinte à la dignité humaine. C’est pourquoi l’OIP-SF demande que ce quartier disciplinaire soit purement et simplement fermé.