Le 11 juin dernier, le tribunal administratif de Versailles a condamné l’État à verser une indemnité de 1500 euros à Monsieur S., en réparation du préjudice moral subi par son fils qui a fait l’objet de fouilles intégrales injustifiées alors qu’il était incarcéré à l’établissement pour mineurs de Porcheville en 2018.
Au cours de sa détention, d’une durée de quinze jours, dans l’établissement pour mineurs de Porcheville en 2018, le jeune D., alors âgé de 14 ans, a fait l’objet de trois fouilles intégrales, aussi appelées « fouilles à nu ». L’une à l’entrée dans l’établissement, le 2 décembre, les suivantes les 5 et 11 décembre. Aussi son père a-t-il sollicité auprès de l’établissement la communication des décisions de fouiller intégralement son fils, demande à laquelle la direction a opposé une décision de refus le 28 décembre 2018. Il a donc saisi le tribunal administratif pour obtenir l’annulation de cette décision et demander réparation du préjudice moral subi par son fils.
Devant le juge, l’administration pénitentiaire a justifié la pratique des fouilles opérées les 5 et 11 décembre – qu’elle qualifie d’ « aléatoire[s] » – « par une nécessité préventive ayant pour but de s’assurer que les objets interdits en détention ne soient pas présents en cellule et de limiter les trafics ». Or, non seulement D., alors incarcéré pour la première fois, était soumis à un régime d’interdiction de tout contact avec l’extérieur, mais son comportement en détention ne posait aucune difficulté.
Si le juge considère que la fouille intégrale pratiquée à l’entrée dans l’établissement était « justifiée », il estime à la lumière des éléments de l’instruction que les deux autres fouilles ne l’étaient pas. Rappelant les principes de proportionnalité et de nécessité qui encadrent la pratique des fouilles à nu, il précise qu’elles « doivent être adaptées à la personnalité des personnes détenues qu’elles concernent » et que celles subies par D. présentaient « un caractère disproportionné au regard des nécessités de sécurité et de bon ordre » constitutif d’une violation de l’article 57 de la loi pénitentiaire « eu égard à leur caractère répété sans justification ». Et de conclure que l’administration pénitentiaire « a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ». Le juge souligne enfin qu’une telle pratique « a nécessairement causé un préjudice moral » au jeune détenu, sans qu’il soit utile de produire un certificat médical, accordant à son représentant légal une indemnité de 1500 euros.
Dans une enquête publiée en 2018[1], l’OIP rappelait que ces fouilles intégrales, réalisées dans des conditions humiliantes, voire maltraitantes, constituent pour les personnes qui les subissent un traitement dégradant. Encadrée par l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, la pratique des fouilles intégrales se fait néanmoins hors du cadre légal dans nombre d’établissements pénitentiaires. Dans le rapport de sa dernière visite en France paru le 24 juin 2021[2], le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) constate d’ailleurs que « dans l’ensemble des établissements visités, les personnes détenues ont indiqué être fouillées à nu, sans en comprendre les raisons, au retour des visites de manière très régulière voire systématiquement pour certains ». Rappelant leur « caractère invasif et potentiellement dégradant », le CPT renouvelle ses recommandations aux autorités françaises « de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que, tant dans la législation que dans la pratique, les fouilles à nu soient réalisées à la suite d’une évaluation individuelle des risques et effectuées par étapes devant des agents de même sexe et dans un endroit dédié, hors de la vue d’autres personnes détenues, respectant l’intimité et la dignité. » Un avertissement de plus, qui s’ajoute aux critiques déjà maintes fois formulées par les organismes de défense des droits humains au sujet de ces pratiques profondément attentatoires à la dignité.
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[1] « Fouilles à nu : souvent illégales, toujours humiliantes », Dedans Dehors n°101, OIP, septembre 2018.
[2] « Conditions carcérales : le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) appelle les autorités à prendre des mesures en urgence », OIP, 24 juin 2021.