Détenu en maison d'arrêt, R. partage sa cellule avec G., un homme âgé, handicapé et fortement dépendant depuis qu'il a été victime d'un accident vasculaire cérébral. Ni formé pour, ni chargé de prendre soin de ce codétenu, R. témoigne des difficultés d'un quotidien qu'il n'a pas choisi. Un récit qui met en lumière les limites de la prise en charge des personnes en perte d’autonomie et interroge le sens de leur maintien en détention.
9 juillet. G., mon codétenu, a encore fait une chute en sortant des toilettes. Sa tête a claqué contre la porte, je l’ai relevé puis ai vérifié s’il n’y avait pas de saignement. Seulement une bosse, pas d’évanouissement ni de vomissement.
Le 12 juillet, il a fait ses besoins dans son caleçon, je lui ai demandé de se changer en raison des fortes odeurs. Deux jours plus tard, l’odeur est toujours présente, je me rends compte qu’il avait aussi fait dans son lit et qu’il le cachait sous les couvertures.
Le 17 juillet, on est allés aux douches, il a essayé de laver son caleçon comme il pouvait mais n’a pas réussi à se laver lui-même.
Du 17 au 19 juillet il a encore couché dans ses excréments. On avait douche et changement des draps, mais il n’a pas voulu prendre sa douche, j’en avais des nausées quand je suis rentré en cellule. Je l’aide et lui sers l’unique repas de la journée qu’il prend, le reste du temps il reste couché. Je l’aide à s’habiller. Je porte le seau avec ses affaires de toilettes jusqu’aux douches et les reprends quand on retourne en cellule. Pendant que je me douche, il reste assis sur le banc à attendre, sans bouger. Il sort souvent de la cabine de douche avec les cheveux secs, je pense qu’il ne se lave pas. Je lui lave de temps en temps son linge, sa serviette de toilette blanche encrottée de merde.
Depuis quatre jours il ne s’est pas changé. Il va falloir que je le force à prendre sa douche, car l’odeur est insupportable. Quand l’auxi a livré la nourriture pour le petit déjeuner, G. ne voulait pas se lever du lit. L’auxi a tout déposé par terre, le pain, le chocolat, la confiture. En colère, G. a tout ramassé et l’a jeté dans son lit. Lors du passage du surveillant pour la douche, j’ai pris le seau et dit à G. : « Allez, on va se décrasser. » Il a fini par venir, mais il n’arrive pas à utiliser le gant de toilette et le gel douche.