Plus d’un an après la condamnation de la France par la CEDH pour l’indignité des conditions de détention dans les prisons françaises et notamment dans celle de Faa’a Nuutania, l’établissement est de nouveau pointé du doigt par la Justice. Dans une décision du 2 mars, le Conseil d’État constate en effet, en référé, les conditions indignes de détention subies par un détenu du centre pénitentiaire polynésien.
Le Conseil d’État était saisi en référé-liberté par Monsieur B., détenu du centre pénitentiaire de Faa’a Nuutania soutenu par l’OIP, qui demandait l’amélioration des conditions matérielles de détention dans l’établissement. Monsieur B. dénonçait notamment la prolifération des rats dans un bâtiment, qu’il dit « infesté », et le fait qu’une cour de promenade « se retrouve fréquemment couverte d’eaux usées, comprenant notamment des déjections humaines ». Constatant les traitement inhumains et dégradants que cela constitue pour les détenus et l’insuffisance des mesures prise par l’administration pour y remédier, le Conseil d’État lui a enjoint, dans son ordonnance du 2 mars, de « renforcer l’efficacité de la lutte contre les rats » et d’augmenter la fréquence de curage des canalisations.
Au-delà des conditions générales de détention, le requérant contestait les mesures restrictives prises dans le contexte de la crise sanitaire par le directeur de l’établissement : cloisons en plexiglas aux parloirs, interdiction du dépôt de linge, fermeture de la salle de sport, restriction des produits cantinables, etc. Le Conseil d’État a pris acte de ce que, sous la pression de la procédure de référé, l’administration a assoupli plusieurs de ces mesures dénoncées par Monsieur B. comme disproportionnées par rapport à la situation sanitaire actuelle en Polynésie française : les parloirs ont été rétablis dans les conditions habituelles, les dépôts de linge et d’objets sont de nouveau possibles, la salle de sport a été réouverte et tout objet autorisé peut désormais être cantiné. La Haute juridiction confirme par ailleurs que les dispositifs de séparation mis en place dans les parloirs pour limiter la propagation du virus portent atteinte aux droits des personnes détenues dès lors qu’ils entravent leur communication avec les visiteurs. Récemment, le tribunal administratif de Toulouse avait déjà enjoint à l’administration pénitentiaire de remédier aux problèmes d’acoustique liés à ces dispositifs dans le cadre d’un recours formé par des détenus de la maison d’arrêt de Seysses.
Si ces assouplissements sont louables, l’OIP regrette que d’autres mesures demandées par le détenu n’aient pas été ordonnées par le Conseil d’Etat. Le juge a notamment considéré que la demande visant à remédier à l’absence d’eau chaude dans les douches « porte sur une mesure structurelle et n’est ainsi pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs [du] juge des référés », démontrant une fois de plus la portée limitée du pouvoir d’injonction conféré au juge des référés.
Plus généralement, l’OIP déplore que toutes les mesures n’aient pas été prises pour mettre le centre pénitentiaire de de Faa’a Nuutania en conformité avec les exigences de dignité humaine, alors que cette prison fait partie de celles qui étaient visées par la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt historique, JMB et autres c. France, du 30 janvier 2020. La Cour avait alors considéré que les conditions matérielles de détention dans l’établissement exposaient les personnes qui y étaient incarcérées à des traitements inhumains et dégradants.