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À Joux-la-Ville, la prison refuse obstinément de recevoir une famille en deuil

À la suite du décès de leur proche, incarcéré au centre de détention de Joux-la-Ville, les membres d’une famille essaient depuis deux mois d’obtenir un entretien avec le directeur de l’établissement. Bien que cela soit prévu par les textes, ces demandes restent lettres mortes. Saisi le 22 février de cette situation, le juge des référés acte d’une situation « regrettable », mais rejette le caractère urgent de cette demande.

Le 12 décembre 2021, John, incarcéré au centre de détention de Joux-la-Ville, est hospitalisé en état de mort cérébrale. Il décède officiellement six jours plus tard. Prévenue de son hospitalisation seulement la veille du décès, sa famille cherche depuis à obtenir des réponses à ses questions : dans quelles circonstances l’hospitalisation puis le décès sont-ils survenus ? Pourquoi n’ont-ils été prévenus que cinq jours après son hospitalisation ? « Je pense qu’il a fait une overdose dans sa cellule, mais nous n’avons pas toutes les informations : nous n’avons pas reçu d’appels de la prison. C’est l’hôpital qui nous a appelés », explique sa compagne.

Autant de zones d’ombre que la direction de l’établissement refuse d’éclaircir : les nombreuses demandes d’explication et de rendez-vous envoyées depuis le mois de janvier par la famille, appuyées par deux courriers de l’OIP et sept fax de son avocat, sont restées lettres mortes, et ce en dépit de la réglementation en vigueur. En effet, dans une circulaire de 1981[1], le Directeur de l’administration pénitentiaire précise que le chef d’établissement se doit de recevoir les familles. « J’insiste, dans tous les cas, sur la nécessité de ne jamais laisser une demande de cette nature (…) sans réponse, ainsi que sur celle d’y répondre dans les meilleurs délais », peut-on ainsi lire dans la circulaire, qui recommande en outre d’adopter « une attitude particulièrement patiente et compréhensive » à l’égard des proches et invite à éviter les attitudes ou propos qui pourraient donner « un sentiment d’indifférence ou d’absence de considération ». Une circulaire du 26 avril 2002 indique par ailleurs qu’en cas de suicide, l’entretien doit être proposé automatiquement, « si possible le lendemain du décès ».

Le silence obstiné de la direction de l’établissement a amené l’avocat de la famille, Me Ciaudo, à déposer le 22 février un référé-liberté, afin que le juge administratif enjoigne à la direction de recevoir la famille de John. Si le tribunal reconnaît qu’ « en l’absence de toute considération humanitaire de la part de l’administration, le déroulement de ces événements prive [les proches] de toute possibilité de faire le deuil et enfin, que l’absence de réponse à leur questionnement accroît leur malheur et suscite des spéculations », il a néanmoins trié la requête dès le 23, sans même l’audiencer. « Pour malheureuses et regrettables qu’elles soient », ces circonstances « ne sont pas de nature à caractériser une urgence », a-t-il tranché, sans plus de considération pour l’ « exigence d’humanité » mise en avant par la circulaire de 1981. Plus de deux mois après son décès, la famille de John reste donc privée des explications qui lui sont dues.

Aussi inadmissible soit-elle, cette situation n’est malheureusement pas exceptionnelle. En 2018 déjà, l’OIP pointait[2] les difficultés rencontrées par les familles de personnes décédées en détention pour faire leur deuil face au silence de l’administration et aux obstacles à l’établissement de la vérité.

Contact presse : Charline Becker · 06 50 73 29 04

[1] Circulaire du 12 mai 1981 sur les relations entre l’administration et les proches d’un détenu malade ou décédé.
[2] « Un impossible deuil », OIP, Dedans Dehors n° 101, octobre 2018.

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