En prison, les fortes chaleurs sont décuplées et peuvent avoir des conséquences dramatiques sur les personnes vulnérables. Aussi la Direction de l’administration pénitentiaire a-t-elle appelé ses agents « à une attention soutenue et spécifique » à leur égard. Au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, cette vigilance s’est traduite par une politique de réveils nocturnes extrêmement fréquents. Un traitement particulièrement inhumain maintes fois dénoncé par les organes de contrôle internationaux.
Afin de prévenir les conséquences de la canicule en détention, une note de la Direction de l’administration pénitentiaire[1] prévoit qu’« au regard de leur fragilité et de leur vulnérabilité, […] certaines personnes détenues peuvent requérir de l’ensemble des acteurs pénitentiaires une attention soutenue et spécifique ». Il s’agit notamment de personnes « identifiées par l’unité sanitaire comme nécessitant une surveillance au vu de leur état de santé ». La note précise notamment qu’il convient, à leur encontre, de « solliciter un suivi médical, infirmier et pénitentiaire renforcé », de « faciliter leur affectation dans les cellules les moins exposées à la chaleur », de « programmer des séances d’information collective », de « prévoir des audiences plus fréquentes » par le personnel d’encadrement, ou encore de « programmer une surveillance par ronde d’œilleton fréquente et régulière des personnes placées au quartier disciplinaire ».
À Poitiers-Vivonne, une liste de personnes vulnérables a ainsi été dressée par l’unité sanitaire et transmise à l’administration pénitentiaire. Mais les mesures de protection appliquées semblent se limiter à des réveils nocturnes : à l’occasion de rondes organisées toutes les deux heures, les surveillants allument la lumière des cellules et demandent aux personnes de bouger, qu’elles soient au quartier disciplinaire ou en détention ordinaire. Ainsi, une personne détenue placée sur cette liste a indiqué à l’OIP avoir été réveillée toutes les deux heures, jour et nuit, jusqu’à la levée de cette mesure, et n’avoir fait l’objet d’aucune autre mesure de prévention. En outre, ne comprenant pas les motifs ayant justifié son placement sur cette liste, elle aurait écrit à de nombreuses reprises à l’unité sanitaire ainsi qu’à la direction afin d’obtenir des explications, sans retour. La surveillance spécifique n’aurait été levée qu’au bout de deux mois.
Ces réveils, censés protéger les personnes vulnérables, constituent un traitement particulièrement inhumain et dégradant, ainsi que l’ont dénoncé la Cour européenne des droits de l’homme[2] et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Dans un rapport de visite en France, le CPT avait notamment souligné qu’« une telle mesure risque d’avoir des conséquences néfastes pour la santé des détenus concernés » et rappelé que « l’éclairage des cellules ne devrait être allumé qu’en cas de stricte nécessité »[3].
Sollicité par l’OIP, le personnel soignant de l’unité sanitaire confirme avoir établi une liste de personnes détenues vulnérables en se basant sur l’âge et la pathologie, notamment cardiaque ou pulmonaire. Il précise néanmoins qu’aucune instruction n’a été donnée à l’administration pénitentiaire quant aux mesures de surveillance à mettre en place, et reconnaît l’existence de ces réveils nocturnes. Contactée par l’OIP, la direction de l’établissement ne s’est pas exprimée à ce sujet.
Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96
[1] DAP, note, 7 juillet 2021 relative à l’évolution du plan canicule : la nouvelle doctrine de gestion sanitaire des vagues de chaleur.
[2] CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, n° 5310/71.
[3] CPT, Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 15 au 27 novembre 2015, 7 avril 2017, CPT/Inf (2017) 7, p. 52.