En juin et juillet derniers, la répression des révoltes urbaines qui ont suivi le meurtre de Nahel M. par un policier a conduit à l’incarcération de plus de 600 personnes en quelques jours, conséquence désastreuse d’un véritable emballement médiatico-judiciaire auquel le gouvernement a largement participé. Au total, près de 3 800 personnes ont ainsi été interpellées, et près de la moitié ont fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement.
L’exceptionnelle sévérité des jugements rendus est saisissante : quatre mois ferme pour être entré dans un magasin sans rien prendre, dix mois ferme pour avoir volé deux pantalons, un an ferme pour avoir ramassé des objets au sol… Trois exemples parmi d’autres de peines prononcées en comparution immédiate, selon une procédure maintes fois dénoncée dans Dedans Dehors comme une justice d’abattage, ne permettant ni de tenir compte de la situation individuelle de l’auteur, ni de prendre du recul par rapport aux faits reprochés.
À aucun moment, les effets concrets de l’enfermement en milieu carcéral sur la vie de ces personnes n’ont été questionnés. En cellule 23 heures sur 24, à deux ou trois dans 9m2, sans activité, sans accompagnement, sans lien social, avec possiblement des ruptures de trajectoires éducatives ou professionnelles… Cela en valait-il vraiment la peine ?
Dès le début des événements, le gouvernement a demandé aux procureurs une « réponse pénale rapide, ferme et systématique » aux « violences urbaines ». « La réponse pénale est au rendez-vous », a conclu la Première ministre à l’Assemblée nationale. Rendez-vous avec qui ? Une justice qui incarcère massivement ? Le gouvernement qui exhorte à des réquisitions « pour l’exemple » ? Des procédures de jugement expéditives et particulièrement pourvoyeuses d’incarcération ?
Outre le nécessaire débat sociétal sur ce qui a amené à ces « violences urbaines », il est plus que temps de mettre un terme à cette surenchère carcérale, et de réfléchir collectivement à d’autres manières de sanctionner que par un enfermement aveugle et destructeur. Ce numéro de Dedans Dehors entend y contribuer, via un coup de projecteur sur un dispositif d’aménagement de peine porteur de sens, le placement à l’extérieur, loin de l’hystérie punitive ambiante dont la répression des révoltes urbaines est le dernier avatar.
Par Jean-Claude Mas et Prune Missoffe