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Suicide en prison : l’État de nouveau condamné pour faute

Dans un arrêt rendu le 7 mai 2015, la cour administrative d’appel de Douai a condamné l’État à verser plus de 78 000€ à la famille de Zinédine H. Atteint de graves troubles psychiatriques, ils’était donné la mort dans la nuit du 25 au 26 mars 2006 dans sa cellule du centre de détention de Loos. Une décision qui vient clore une procédure de plus de sept années et un véritable parcours du combattant pour la famille afin que soit reconnue la responsabilité de l’administration pénitentiaire dans ce décès.

Dans son arrêt, la cour administrative d’appel de Douai sanctionne l’absence de surveillance particulière mise en place pour cet homme dont « la gravité de [l’] état psychiatrique » était pourtant « connu de l’administration », réaffirmant ainsi la nécessité de prendre en compte la particulière vulnérabilité des détenus atteints de troubles mentaux face au risque suicidaire. L’existence de ce risque avait été écarté dans un premier temps par le juge administratif . Dans deux décisions rendues en première instance et en appel, celui-ci avait estimé que « rien ne pouvait laisser prévoir le geste suicidaire [de Zinédine H.] et qu’aucune surveillance particulière n’était nécessaire ». Saisi, le Conseil d’État avait, eu égard aux faits relevés par la cour d’appel elle même,sanctionné l’analyse retenue et renvoyé l’affaire pour être jugée à nouveau.

© Grégoire Korganow

Depuis 1982, Zinédine H. souffre de troubles psychiatriques ayant donné lieu à plusieurs séjours en hôpital. En 2002, il est condamné à sept ans de réclusion criminelle et incarcéré. En prison, son état mental se dégrade. Il multiplie les incidents disciplinaires : dégradations, insultes, menaces, incendies, et fait l’objet de plusieurs transferts en raison de ses troubles du comportement (5 transferts en deux ans). A partir du mois de novembre 2005, la situation s’aggrave encore. A six reprises son hospitalisation d’office en urgence est sollicitée mais refusée par le Préfet du Nord. Dans sa dernière demande formulée le 18 janvier 2006, le directeur de la prison de Loos signale que le détenu est « totalement perturbé et imprévisible » et qu’il « n’a plus sa place en milieu pénitentiaire ». Le certificat médical faxé au préfet à l’appui de la demande fait également état d’une « situation intolérable » et d’un « risque de passage à l’acte auto-agressif ». Malgré tout, Zinédine H. sera entre le 10 novembre 2005 et le 17 janvier 2006 « placé à sept reprises en quartier disciplinaire pendant soixante et onze jours » en raison de son comportement alors que le taux de suicide y est sept fois supérieur à celui observé en détention normale. Pendant toute cette période, Zinédine H. ne sera pas non plus autorisé à recevoir de visites de sa famille, la réglementation de l’époque interdisant les visites en cas de placement en cellule de discipline.

Le 20 janvier 2006, Zinédine H. est finalement hospitalisé d’office. Du fait des craintes ressenties par le personnel soignant pour leur sécurité et de l’absence de chambre sécurisée adaptée, il passe trois semaines dans une chambre fermée, attaché « de trois membres avec possibilité d’aller à la douche et aux toilettes une fois par jour sous surveillance renforcée » et ne reçoit aucune visite de ses proches qui ne sont pas autorisés à le voir. Le 13 février 2006, il est renvoyé en prison. Ses « symptômes d’agressivité et de délires » ont disparu mais Zinédine H. apparaît toujours très fragile. Le 25 mars vers 23 heures, il se pend dans sa cellule avec une corde de tissu attachée au tuyau des toilettes. Il sera découvert le lendemain à 5h30. La cour sanctionne l’absence de surveillance spéciale, les surveillants n’ayant réalisé cette nuit là, que des rondes dites d’écoute, sans contrôle visuel. L’instruction montrera également que Zinédine H. n’avait pas été informé par l’administration « qu’il devait être transféré (…) le lendemain de son suicide dans un service (…) spécialisé dans l’accueil des détenus psychotiques, afin de bénéficier d’une prise en charge adaptée ». Autant d’éléments qui ont contribué à la dégradation de l’état mental de Zinedine H. et conduit à son passage à l’acte.

L’OIP rappelle :

  • L’arrêt du Conseil d’Etat du 17 décembre 2008, selon lequel : « eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis à vis de l’administration, il appartient tout particulièrement à celle-ci, et notamment au garde des sceaux, ministre de la justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie » (CE, 17 décembre 2008, Observatoire international des prisons, n° 305594).
  • La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui, s’agissant du risque suicidaire d’un détenu schizophrène, a considéré que celui-ci « était à double titre vulnérable : en tant que personne privée de liberté et, plus encore, en tant que personnes souffrant de troubles mentaux ». La Cour relève par ailleurs que « chez les schizophrènes, le risque de suicide est bien connu et élevé », qu’en conséquence « la gravité – incontestée – de la maladie » dont souffrait le détenu était aussi « un facteur à prendre en compte ». (CEDH, 6 décembre 2011, De Donder et De Clippel c/ Belgique, n°8595/06).
  • La circulaire du 6 avril 2002 relative à la prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires qui estime qu’« il ne saurait être question de réduire la prise en charge d’une personne détenue en détresse à de seules mesures de surveillance, qui, dans certains cas peuvent aggraver son état ».
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