Dans un arrêt du 8 décembre 2011, la Cour administrative d'appel de Douai a condamné l'État à indemniser la mère et la sœur d'Olivier Tranquille, qui s'est pendu le 24 mars 2006 dans une cellule du quartier disciplinaire du centre pénitentiaire de Liancourt. Il y avait été placé la veille, blessé, à la suite d'une altercation avec des personnels de surveillance. Et avait entamé une grève de la faim dès son affectation dans ce quartier. Le Cour a relevé que le jour de son décès, il avait « demandé, à six reprises, aux agents de surveillance, à rencontrer un médecin », mais qu' « aucun des médecins de l'équipe médicale de l'UCSA [n'avait] été prévenu de la grève de la faim », ni de ses « multiples demandes d'assistance médicale ». La Cour en a conclu que « ces dysfonctionnements, qui n'ont pas permis d'éviter le suicide », « révèlent des insuffisances dans l'organisation et le fonctionnement du centre pénitentiaire de Liancourt lesquelles sont constitutives d'une faute de l'administration pénitentiaire de nature à engager la responsabilité de l'État »
Saisie en mai 2006 à la demande de l’OIP, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a enquêté sur les circonstances du décès d’Olivier Tranquille et rendu un avis le 15 janvier 2007. De l’enquête, il ressort que le 23 mars 2006 lors de la distribution du repas, Olivier Tranquille s’est plaint à un surveillant de ne pas avoir reçu les produits qu’il avait commandé en cantine et pour lesquels son compte avait été débité. S’en est suivie une altercation, donnant lieu à une intervention de plusieurs surveillants appelés en renfort. A cette occasion, il est violemment repoussé dans sa cellule et gravement blessé au bras. Menotté, il est ensuite conduit au service médical de l’établissement puis aux urgences de l’hôpital de Creil pour des points de suture. A son retour, il est placé au quartier disciplinaire et informé que deux surveillants ont déposé plainte contre lui pour violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique. Dans la foulée, il entame une grève de la faim et remet à un surveillant un courrier à destination de la direction. Le lendemain matin, selon l’enregistrement vidéo de la caméra située dans le couloir du quartier disciplinaire, il actionne six fois l’interphone de sa cellule pour parler aux surveillants. Il refuse le petit déjeuner, puis la promenade. Vers 14 heures, lors de la visite habituelle du médecin et de l’infirmière au quartier disciplinaire, Olivier Tranquille est découvert pendu dans sa cellule. Les enquêteurs de la gendarmerie relèvent une inscription sur le mur de sa cellule: « J’ai assez subit des magouille de la justice. J’ai appelé plain de fois en vain ».
En conclusion, la CNDS a estimé qu’Olivier Tranquille manifestait « tous les signes d’une détresse morale et psychologique », mais qu’ « aucun de ces signes d’alarme [n’a été] pris en compte par les surveillants, pas plus que par le gradé en poste fixe au quartier disciplinaire ». La Commission a en outre précisé qu’il était « fortement probable que c’est délibérément que les professionnels de santé et la direction, à même d’évaluer la situation et de sortir ce détenu en détresse du QD, ont]été tenus à l’écart ».
L’OIP rappelle que :
– « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention » et que la « sursuicidité au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction ». ( Commission nationale consultative des droits de l’homme ,Étude sur les droits de l’homme en prison, mars 2004.)
– le Comité de prévention de la torture (CPT) recommande qu’il ne « soit recouru à l’usage de la force (ou à la menace de l’usage de la force) en milieu pénitentiaire qu’après que des tentatives de dialogue avec le(s) détenu(s) ont échoué » (Rapport de visite en France en 2006, CPT/Inf (2007) 44).