Au 1er septembre, 65 personnes étaient détenues dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR). Objectifs : enrayer la « dissémination » des idées islamistes en les regroupant et en les isolant du reste de la détention et « aboutir à leur désengagement ». À Condé-sur-Sarthe, la seconde ambition est loin d’être atteinte. Une situation qui illustre les dérives possibles d’une approche portée exclusivement sur le sécuritaire, au détriment de toute prise en charge.
« Le but premier du QPR, c’est de nous isoler. Et accessoirement de nous analyser, de nous observer. » Pour Julien[1], qui a passé plusieurs mois au quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) de Condé-sur-Sarthe[2] entre 2018 et 2019, le constat est clair et rejoint celui des professionnels interrogés pour cette enquête : si, sur le papier, les quartiers de prise en charge de la radicalisation sont supposés proposer un accompagnement et des actions vers le « désengagement » et la réintégration dans la société, ces dernières ont été sacrifiées au QPR de Condé-sur- Sarthe, annihilées par l’approche ultra-sécuritaire qui y prévaut. Aussi ne remplit-il en réalité que deux fonctions : contenir et observer, à durée indéterminée, des personnes jugées prosélytes ou susceptibles d’être violentes dans un lieu étanche du reste de la détention, en les soumettant à des contraintes sécuritaires extrêmes. Et si l’attentat survenu en mars 2019 (lire encadré ci-dessous) a indéniablement exacerbé cette situation, le ver était dans le fruit dès l’ouverture du quartier, en septembre 2018.
Des premiers pas balbutiants
Si l’objectif officiel des QPR est le désengagement, l’équipe du QPR de Condé, au départ, tâtonne. « Absolument rien n’avait été pensé à quelque échelon que ce soit », explique un agent pénitentiaire. Et pour cause : lorsque le quartier accueille ses premiers détenus à l’automne 2018, la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) planche encore sur sa doctrine d’emploi des QPR, qui ne sera diffusée qu’en décembre 2019, presque un an et demi après l’ouverture. Bon an mal an, l’équipe monte des projets sans véritable consigne en termes de contenu de prise en charge. Le manque de préparation se conjugue à un autre obstacle : composer avec les nombreuses contraintes sécuritaires qui entravent les mouvements de détenus et limitent les regroupements. Si les mesures de sécurité sont, de manière générale, particulièrement strictes dans ces quartiers spéciaux (lire ici), à Condé-sur-Sarthe, elles sont mêmes plus sévères qu’au quartier maison centrale (QMC) : alors qu’au QMC, les mouvements peuvent être collectifs, au QPR, les prisonniers – qui peuvent subir « jusqu’à six palpations en une heure », relève un membre du personnel – doivent être escortés un par un. « Il n’y en a pas beaucoup qui ont des faits de violences au casier ou des antécédents disciplinaires chargés en détention, et pourtant ils sont traités plus strictement que les gars du QMC, condamnés pour les crimes les plus graves ou considérés comme particulièrement dangereux. Pour les détenus du QPR, c’est l’incompréhension totale, et un profond sentiment d’injustice », explique un agent pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.
Malgré ces contraintes, les moyens dédiés à ces quartiers spéciaux – considérables, comparés aux enveloppes allouées à la détention classique – permettent finalement la mise en place de nombreuses activités. « On a fait par exemple de la médiation du fait religieux avec un islamologue, qui a essayé d’apporter une interprétation différente des textes pour la confronter avec une certaine vision qu’ils ont de l’Islam. On a aussi proposé de l’art plastique, qui a fait beaucoup de bien à ceux qui avaient besoin de se réintégrer dans les échanges sociaux normaux après de longues années d’isolement », explique un agent. Globalement, « les détenus étaient contents des activités. Même si pour eux, c’était difficile de se sentir toujours observés », estime un autre. « Les CPIP [conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation] animaient les ateliers bibliothèque, organisaient des conférences et des débats avec des intervenants sur la géopolitique, la religion, les droits de l’homme, sur les médias… Ils aiment bien ces sujets-là, et nous aussi, parce qu’on est tous plus ou moins politisés, donc on participait, explique Julien. Bien sûr, tout était un moyen de nous évaluer, on en était conscient… »
Et en effet, pour la direction de l’établissement, ces activités sont alors surtout l’occasion d’observer le comportement des détenus qui y prennent part. « L’unique préoccupation de la direction était de savoir si les intervenants joueraient le jeu de la remontée d’informations, confie un agent. On s’est vite rendu compte qu’on n’allait pas faire de la prise en charge, mais de l’évaluation. On voulait être présents pour accompagner, mais on nous demandait d’être là pour tout voir, tout entendre – pour contrôler en fait. »
Priorité à l’observation et à l’évaluation
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’évaluation n’est en effet pas réservée aux quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER, lire ici) : « Au cours de son placement [au QPR], la personne détenue est constamment évaluée, tant au regard de son comportement que de la réceptivité des objectifs lui étant assignés par la CPU », confirme ainsi la doctrine parue en 2019, en introduction de la partie pourtant dévolue à la prise en charge. Parallèlement, « l’observation » est érigée en priorité absolue des surveillants, appelés à être les yeux et les oreilles du renseignement pénitentiaire. Une double mission d’observation et d’évaluation que la direction de l’établissement semblait jusqu’à récemment (un nouveau directeur a été nommé en mars 2020) prendre particulièrement à cœur, à en croire différents témoignages. L’obsession : que les masques des éventuels « dissimulateurs » tombent (lire ici). « Le chef d’établissement avait conclu une des journées de formation du personnel en nous disant “faut pas s’étonner si on a parfois une gestion un peu incidentogène des choses, c’est voulu, notre objectif est de voir leur vrai visage” », raconte un membre du personnel. Autrement dit, pousser à bout les détenus pour révéler leur potentiel radical ou violent et au moindre incident, les placer en “gestion individuelle” : « C’est de l’isolement mais avec les règles restrictives des quartiers maison centrale. Pour aller en promenade, où elle sera seule, la personne est palpée, passée au magnétomètre et escortée par cinq à six surveillants », confie un membre du personnel. Malgré tout, Julien conserve un plutôt bon souvenir de ses premiers mois au QPR : « Certains le vivent mal, d’autres mieux. Moi, j’ai connu l’isolement et le QER. Alors au QPR, j’étais satisfait. » Une satisfaction qui tenait surtout à une chose : le nombre particulièrement élevé d’unités de vie familiales (UVF)[3] dont il pouvait bénéficier. « Deux UVF par mois, c’est un luxe de fou ! On pouvait se retrouver toutes les deux semaines en famille, ça permet de créer du lien avec les enfants [qui sont nés lors de son incarcération]. Ceux qui n’avaient pas de visite, ils ne voyaient pas l’intérêt d’être en QPR, c’est sûr. »
Après l’attentat de mars 2019, un climat délétère
L’attentat du 5 mars 2019 a fait voler en éclats le fragile équilibre qui permettait au QPR de fonctionner à peu près normalement (lire encadré ci-dessous). Le mouvement de grève et le durcissement des mesures de sécurité qui ont suivi ont été vécus comme une punition collective par les détenus, qui leur a paru d’autant plus injuste que l’agression n’a pas été commise par un détenu du QPR, mais par l’un du QMC. Parmi ces mesures, l’obligation, pour les visiteuses, de se dévoiler à la vue de tous – et donc des surveillants hommes – ne passe pas auprès des détenus : « Pour eux, c’était l’affront de trop. Ils disaient : “Déjà on nous met une détention plus dure comparée au QMC juste parce qu’on est musulmans, mais en plus on s’en prend à notre pratique cultuelle et à celle de notre épouse, sans raison puisque ce n’est même pas quelqu’un du QPR qui a commis l’acte” », résume un membre du personnel. Face à ce qu’elles considèrent comme une discrimination et une humiliation, la plupart des épouses cessent de se rendre au parloir et une quinzaine de détenus sur les vingt que compte le QPR décide de boycotter les entretiens et les activités collectives. « On a essayé d’être dans la communication, on a fait une lettre commune dans laquelle on disait “on comprend qu’il y ait un renforcement des mesures de sécurité, on vous demande juste de réfléchir à mettre un petit rideau pour qu’elles puissent se dévoiler dans le respect de leurs convictions religieuses”. Ça nous a été refusé catégoriquement[4]. Alors on a décidé de boycotter toutes les activités psy, les ateliers droits de l’homme machin… On leur a mis des bâtons dans les roues pour nous analyser », explique Julien.
En détention, les règles de sécurité, déjà particulièrement strictes, ont été appliquées avec encore plus de zèle qu’auparavant, quitte à provoquer des effets contre-productifs : « Pour certaines personnes détenues qui n’en ont pas le profil, la très haute sécurité voulue par l’administration a eu un effet particulièrement délétère, et a généré de la violence là où elle n’existait pas », s’émeut le Snepap. Dans un tract commun, CGT insertion et Snepap-FSU dénoncent aussi des provocations insidieuses sur le terrain de la religion, évoquant des surveillants chantant lors du barreaudage ou sifflant lors des palpations[5]. « Après l’attentat, on a eu le sentiment qu’il y avait une volonté de sabotage et que les peines tombent en interne. Certains agents veulent mettre la trique aux détenus en disant qu’on ne pourra de toutes façons jamais rien en faire. Mais l’objectif, c’est quand même la prise en charge ! Ça reste d’ailleurs celui d’une part non négligeable du personnel, mais on en est loin. C’est évidemment exagéré, mais les détenus en sont venus à comparer le QPR à un camp de concentration, à s’appeler par leur numéro d’écrou et à se l’inscrire sur le poignet… », se désole un membre du personnel.
Plus d’un an et demi après l’attentat et en dépit d’un changement de direction, la situation reste particulièrement tendue au QPR de Condé-sur-Sarthe. « Dernièrement, un détenu du QPR est allé au QD [quartier disciplinaire] pour un refus de réintégrer. À la base de l’incident, on lui avait refusé d’aller en promenade car sa serviette faisait dix centimètres de plus que ce qui était autorisé – un point de règlement qui n’est jamais appliqué dans les autres prisons de France ! », s’exclame un agent. Autre exemple : alors qu’en période de déconfinement, la DAP donne pour directive nationale que les parloirs soient placés sous surveillance visuelle continue pour éviter les contacts physiques, « à Condé, ce n’est pas un, mais trois surveillants qui étaient postés devant chaque boxe individuel, ce qui a généré des conflits avec des détenus », regrette encore le personnel. En réaction, les détenus ont décidé de poursuivre leur mouvement de boycott des activités, rendant toute action de prise en charge impossible. « Aussi impliqué que l’on soit dans notre travail, on ne peut rien faire de productif et d’efficace dans un contexte délétère, analyse un agent. Le problème est que l’administration n’arrive pas à se positionner entre tout sécuritaire et réinsertion. Si on veut travailler un minimum la réinsertion, il faut rééquilibrer le sécuritaire, car en l’état, il n’y a pas de place pour elle », conclut-il.
Sans aucune perspective
Surtout, comment et pourquoi se plier à une prise en charge, lorsque l’on n’a rien à espérer ? « Quand vous allez au QER, vous savez à quelle date vous arrivez et à quelle date vous repartez. Quand vous entrez au QPR, vous ne savez pas quand vous allez en sortir », note un détenu. De fait, il n’existe pas de durée maximum de placement au QPR, qui peut donc être renouvelé indéfiniment si le garde des Sceaux en décide. Théoriquement, la situation des personnes est supposée être réévaluée tous les six mois. Comme au QER, « on fait une synthèse et on propose soit l’isolement (si le comportement en collectif ne va pas), soit la prolongation du séjour en QPR (si on pense que ça peut être compliqué avec les détenus de droit commun mais qu’il y a des choses à travailler en collectif), soit la détention ordinaire si on se rend compte que la personne n’est ni prosélyte, ni dangereuse », explique un membre de l’administration. Dans les faits, les premiers détenus n’avaient, plus d’un an après leur entrée au QPR de Condé-sur-Sarthe, toujours pas vu leur situation réévaluée. Une première réunion bilan a fini par avoir lieu en décembre 2019 sans que les synthèses n’aient pu être produites, boycott oblige. « On a préconisé beaucoup de transferts, essentiellement vers la détention ordinaire, mais aussi vers d’autres QPR, la situation de blocage ayant, à notre sens, atteint un point de non-retour. Mais sept mois après, seulement deux ont effectivement eu lieu », relevait, en juillet, un membre de l’administration. Certains des détenus arrivés à l’ouverture achèvent donc leur deuxième année entre ces murs. En 2019, sur l’ensemble des QPR, la direction de l’administration pénitentiaire faisait état de seulement quatre transferts vers la détention ordinaire, trois vers un autre QPR, et trois vers l’isolement. Les perspectives de transfert et d’évolution dans le parcours de peine semblent donc, de manière générale, bien maigres pour les détenus des QPR. Quant aux aménagements de peine et aux permissions de sortir, ils sont conscients qu’ils n’en obtiendront pas. « Ils savent qu’ils vont sortir en fin de peine et ce, même si leur comportement est irréprochable. La seule chose qu’ils peuvent avoir, c’est quelques RPS [réductions de peine supplémentaires], mais ça ne suffit pas à les mobiliser », regrette un agent.
L’inquiétude est d’autant plus vive que rien ou presque n’est fait en termes de préparation de la sortie. Pour des raisons sécuritaires, les personnes du QPR sont exclues de l’accès à la formation professionnelle – dont l’offre est déjà très pauvre dans l’établissement puisqu’il n’existe qu’une formation propreté et hygiène. Quant au prestataire qui propose aux détenus du QMC des bilans de compétences, ce dernier n’intervient pas non plus dans le quartier. Côté travail, seulement deux postes d’auxiliaires préposés au ménage et une dizaine à l’atelier de production sont réservés au QPR, si bien que la moitié des effectifs seulement peut travailler – et encore : comme dans beaucoup d’établissements, « il y a si peu de travail à l’atelier qu’ils ne sont classés que quelques jours par mois, essentiellement pour des activités de conditionnement, comme de l’ensachage de kits de petit-déjeuner », précise un membre du personnel. Pour les détenus dont la sortie approche, l’amertume et l’anxiété sont palpables. « Vous vous rendez compte, passer d’un QPR à la sortie ? Ici on ne fait que ressasser. Par contre, je n’ai trouvé personne pour me parler de l’avenir »[6], confie une personne détenue au QPR de Condé-sur-Sarthe au CGLPL à l’occasion de sa visite fin 2019. « Ça fait cinq ans qu’on me trimballe et que je répète mon histoire mais personne ne s’assure que j’aie du taf ou une formation à la sortie », s’émeut un autre. En 2019, trois personnes ont atteint la fin de leur peine dans l’un des quatre QPR. Et sont donc passées de ces quartiers ultrasécurisés à la sortie sèche, sans aucune préparation ni accompagnement.
« Certains se sont radicalisés »
Au total, si le but poursuivi par l’administration pénitentiaire est le « désengagement », l’objectif est, à Condé-sur- Sarthe, pour le moins manqué. « Certains évoluaient dans le bon sens avant l’attentat, mais la situation est depuis tellement tendue qu’ils se sont refermés, se désole un membre du personnel. Ce qui est clair, c’est que beaucoup se sont radicalisés contre l’administration. Ils ont la haine contre l’État français », s’alarme-t-il. « L’atmosphère est telle que même nos leaders positifs se mettent à avoir des discours anti-institutionnels », appuie un autre. D’après certains agents, deux ou trois pensionnaires du QPR seraient particulièrement inquiétants, « plus dangereux qu’ils ne l’étaient quand ils sont arrivés ». « Le QPR de Condé-sur-Sarthe, c’est une coquille vide. Beaucoup de jolis mots pour un néant abyssal. C’est beau pour l’opinion publique, on montre qu’on fait quelque chose. La réalité, c’est que ceux qui sortent d’ici sont au moins plus énervés que lorsqu’ils sont arrivés », estime une personne qui y est actuellement détenue, confirmant le diagnostic posé par les professionnels.
Pour les équipes, « le constat est celui d’un échec, et cela cause beaucoup de souffrance chez presque tous les personnels en poste, qu’ils soient CPIP ou surveillants », regrette un membre du personnel. De son côté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dresse à l’issue de sa visite un bilan implacable : « Faute de prise en charge possible compte tenu de la situation de blocage et d’éclaircissement de son objectif véritable, le QPR de Condé-sur-Sarthe ne se distingue aujourd’hui que par son régime ultra sécuritaire. »[7]
Par Laure Anelli
L’attentat du 5 mars 2019, un traumatisme profond et des répercussions en cascade
5 mars 2019. Dans l’une des unités de vie familiale de la prison de Condé-sur-Sarthe, Michaël Chiolo, détenu au quartier maison centrale où il exécute une peine de trente ans, et sa compagne Hanane Aboulhana attaquent au couteau les deux agents venus porter secours à la jeune femme qui simulait un malaise. Blessés, les deux surveillants parviennent à s’extraire et le couple reste retranché une dizaine d’heures avant l’intervention du Raid, dans laquelle Hanane Aboulhana sera tuée. En réaction à cet événement profondément traumatisant pour l’ensemble du personnel, des syndicats de surveillants lancent un appel à la grève pour obtenir des moyens de sécurité supplémentaires et décident de bloquer l’établissement. Le mouvement durera jusqu’au 20 mars et ne sera pas sans conséquence sur les personnes détenues : du 5 au 24 mars, “la détention s’est totalement arrêtée”, écrivent des détenus, plus que jamais prisonniers de leurs cellules. Pendant trois semaines, « les personnes détenues ont été maintenues en cellule 24h/24, privées de promenade, d’activités, de liens avec leurs proches, ne recevant qu’un plat chaud par jour, ne pouvant rien cantiner (hormis le tabac) et vivant dans des conditions d’hygiène précaires »*, résume le Contrôle général des lieux de privation de liberté. Après la levée du blocage, les mouvements et activités n’ont repris que très progressivement.
Les syndicats de surveillants ont de leur côté, à l’issue de cette grève, obtenu satisfaction sur la totalité ou presque de leurs revendications sur le plan de la sécurité (une trentaine) : renforcement des équipements des agents, réaménagement des locaux pour limiter les regroupements de détenus et les contacts avec les surveillants, pose de grillages sur les fenêtres des cellules, fermeture des “salles de convivialité” (espaces communs mis à la disposition des détenus), installation d’un portique à ondes millimétriques, etc. Les unités de vie familiale ont été fermées entre mars et septembre 2019 afin qu’y soient réalisés des travaux de sécurisation. Seulement trois sur les quatre ont pu rouvrir, celle dans laquelle a eu lieu l’attentat étant encore à ce jour fermée. Les visiteurs qui se rendent au parloir doivent désormais aussi accepter de se soumettre à des mesures de contrôle uniques en France : palpation systématique – « même si le visiteur est un enfant »**, relève le CGLPL –, change de couche pour les nourrissons sous l’œil d’un personnel de surveillance, retrait du couvre-chef, notamment du voile pour les femmes qui en portent.
* CGLPL, « Prise en charge pénitentiaire des personnes “radicalisées” et respect des droits fondamentaux », janvier 2020.
** Op. cit.
Et ailleurs ?
Si la situation apparaît, au QPR de Condé-sur-Sarthe, particulièrement dégradée, ce n’est pas le cas dans tous les QPR. « Deux de mes clients sont au QPR de La Santé et ils font tout pour y rester. Les effectifs sont très réduits – il n’y a qu’une dizaine de places – et il y a deux gardiens pour un détenu. Les agents sont très professionnels, respectueux des détenus. Certes, le niveau de sécurité est élevé, mais les relations sont assez apaisées. Ils ont minimum deux activités par jour – l’objectif est apparemment de les occuper énormément », rapporte une avocate.
Au QPR de Lille-Annoeullin, « l’accent est mis sur la prise en charge « privilégiant une approche sécuritaire », rapporte le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) à l’issue de sa visite en 2019*. Cependant, la mission des surveillants, tous volontaires et recrutés sur appel d’offre, ne se limite pas à leur rôle de garde : ils sont en effet tenus de s’impliquer dans les activités, « en initiant eux-mêmes un projet ou en participant à certaines activités animées par les personnes détenues », le CGLPL citant l’exemple de séances sportives. L’équipe est apparue aux contrôleurs « globalement motivée » – « ils veulent faire bouger les détenus, pas juste les garder ». Sur le fond, la prise en charge décrite par le CGLPL ressemble à s’y méprendre à celle des quartiers d’évaluation (lire ici), à ceci près – et la nuance est de taille – que la durée de séjour des personnes détenues n’y est pas limitée (l’une des personnes rencontrées par les contrôleurs y était ainsi détenue depuis plus de trois ans). Ainsi, le CGLPL note que « l’observation et l’évaluation des personnes détenues sont les principaux objectifs du quartier. Les agents de surveillance sont tenus de renseigner leurs observations dans GENESIS, le matin et l’après-midi, sur chaque occupant du QPR. Ce travail d’observation repose également sur les entretiens avec des membres des binômes de soutien. Le CGLPL relève des pratiques très différentes suivant les professionnels, « non cadrés », et une « méconnaissance importante de l’usage fait des écrits produits ». L’un des psychologues des binômes de soutien qui entendait travailler sur le désengagement de la violence déplorait le manque de cadrage de sa mission.
* CGLPL, « Prise en charge pénitentiaire des personnes ‘‘radicalisées’’ et respect des droits fondamentaux », janvier 2020.
[1] Le prénom a été modifié.
[2] Les autres QPR sont dans les prisons de Lille-Annoeullin, Paris-La Santé et Aix-Luynes.
[3] Petits appartements situés dans l’enceinte pénitentiaire dans lesquels les personnes détenues peuvent recevoir la visite de leurs proches dans des conditions respectueuses de leur intimité pour des durées pouvant aller de 6 à 72 heures.
[4] La direction aurait toutefois consenti six mois plus tard à installer un rideau dans la salle de fouille, sans que cet aménagement ne résolve le problème, les femmes étant cachées des autres visiteurs mais restant apparemment visibles des surveillants.
[5] Pour certains musulmans, la musique est interdite par l’Islam.
[6] CGLPL, « Prise en charge pénitentiaire des personnes “radicalisées” et respect des droits fondamentaux », janvier 2020.
[7] Ibid.