Édito du Dedans Dehors n°108 : Prise en charge de la radicalisation, la grande illusion.
C’est une décision historique qu’a pris le Conseil constitutionnel le 2 octobre dernier. Désormais, le juge doit mettre un terme à une incarcération qui place une personne dans des conditions matérielles de détention contraires à sa dignité. Elle s’inscrit dans la droite ligne des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation de janvier et juillet derniers, tous fruits d’une campagne contentieuse menée par l’OIP depuis des années. Les sages ont donné jusqu’au 1er mars au législateur pour proposer un cadre juridique permettant aux détenus concernés de contester les conditions de détention qui leur sont infligées. La décision du Conseil constitutionnel ne concerne pour l’instant que les personnes en détention provisoire, puisque c’est sur cette question qu’il était saisi. Mais insalubrité, vétusté et surpopulation carcérale ne cessent malheureusement pas après la condamnation. Aussi, le parlement ne devrait pas avoir d’autre choix que de créer une voie de recours pour l’ensemble des personnes susceptibles d’être soumises à des traitements inhumains ou dégradants en prison. Et après ? Les solutions avancées par la Cour de cassation sont aujourd’hui d’ordre juridique : les personnes qui auront obtenu gain de cause pourraient être changées d’établissement, placées sous contrôle judiciaire – éventuellement avec une surveillance électronique –, ou remises en liberté, pour qu’il soit mis fin à leurs conditions matérielles de détention indignes. Mais vu l’état actuel des prisons et la surpopulation qui y règne, cette logique comptable ne peut qu’être intenable. C’est donc dans des choix de politique pénale que se trouve la solution. La décision du Conseil constitutionnel, et avant elle celle de la Cour européenne, impose à la France de repenser la place de la prison dans son appareil répressif afin qu’elle devienne vraiment la solution de dernier recours, tel que c’est déjà prévu par les textes. On en est loin : plus d’un tiers des détenus sont actuellement prévenus, c’est-à-dire présumés innocents, et près de la moitié des condamnés purgent des peines de moins de deux ans de prison. Les orientations budgétaires pour 2021 ne semblent malheureusement pas s’inscrire dans cette dynamique. 556 millions d’euros sont prévus pour l’immobilier pénitentiaire et la construction de nouvelles places de prison, un budget en augmentation de 42 %. En parallèle, les 82 millions d’euros affectés à l’insertion et la probation afin de développer la mise en œuvre des peines alternatives font bien pâle figure !
par Cécile Marcel