Depuis l’arrivée des premiers froids, plusieurs personnes détenues ont contacté l’Observatoire international des prisons (OIP) pour signaler des températures très basses dans leur cellule. Loin d’être réservé aux établissements anciens et vétustes, le problème concerne également des prisons « nouvelle génération », qui viennent de voir le jour dans le cadre du dernier plan de construction du ministère de la Justice.
Quinze degrés. C’est la température relevée le 28 novembre dernier lors de l’état des lieux de la cellule de Monsieur R., au centre pénitentiaire flambant neuf de Lutterbach. À son arrivée au quartier disciplinaire, « tout le monde pleurait et criait en appelant les surveillants pour avoir du chauffage ». Même chose, d’après Monsieur G., au quartier centre de détention. Tandis qu’au quartier d’isolement, Monsieur B. témoigne le 8 décembre : « Si je fais fondre du beurre dans une poêle, il redevient solide en 1 minute 45, tellement il fait froid. »
Le même constat vaut dans de nombreux établissements pénitentiaires : « Il fait plus froid dans la cellule que dehors », rapporte Madame N., incarcérée à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Les personnes détenues doivent souvent superposer plusieurs couches de vêtements pour tenir. Certaines tentent tant bien que mal de calfeutrer les fenêtres : « On prend tout ce qu’on trouve, des éponges, des balles de tennis, tout ce qui ressemble à de la mousse, on en fait des bouts, c’est le système D ! » D’autres encore allument les plaques de cuisson pour chauffer la pièce. « Dommage que les nouvelles plaques chauffantes soient à induction », regrette Monsieur L., incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.
Loin d’être réservé aux établissements anciens, vétustes et mal isolés, le froid s’invite aussi dans les cellules du centre pénitentiaire de Réau, ouvert en 2011, ou de Vendin-le-Vieil, ouvert en 2014. Il n’épargne même pas les établissements les plus récents, construits dans le cadre du plan prévoyant 18 000 places de prison supplémentaires d’ici 2027. Emblématique de ces constructions, le centre pénitentiaire de Lutterbach, annoncé comme « un standard des nouveaux programmes pénitentiaires, résolument centrés sur l’humain[1] », a présenté d’importants dysfonctionnements dès son ouverture, fin 2021. Une source pénitentiaire confirme que l’installation de chauffage y est défaillante et qu’une malfaçon lors de l’installation des fenêtres engendre des courants d’air. « Les fenêtres se démontent et se remontent en quelques minutes, à main nue », constatait la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) lors de sa visite en 2022.
Indépendamment de ces dysfonctionnements, il semble que certains établissements coupent le chauffage la nuit ou le baissent au minimum. « Je comprends qu’il faut faire des économies […], mais on est gelé », témoigne par exemple une personne détenue à la prison de Toul. Une supposition qu’une source pénitentiaire ne dément pas.
Après avoir souffert des températures caniculaires cet été, de nombreuses personnes détenues vont donc passer l’hiver à grelotter dans leur cellule. Dans l’indifférence générale.
[1] Prospectus de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ).