Ce mercredi, s’ouvrent à l’Assemblée nationale les débats relatifs au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice. Un texte qui a notamment pour objectif de fixer les politiques pénales et pénitentiaires pour les quatre prochaines années. Si la lutte contre la surpopulation carcérale en France est au cœur des discours, elle est pourtant absente des dispositions du projet de loi.
Le projet de loi que les députés s’apprêtent à discuter marque la concrétisation du plan d’action annoncé par le garde des Sceaux début janvier pour faire suite aux États généraux de la Justice. Proposé en réponse au profond malaise de l’institution judiciaire, il passe cependant à côté de la crise du système pénitentiaire et des réponses qui s’imposent face à l’explosion du nombre prisonniers.
Les derniers chiffres sont éloquents. Au 1er mai, la France battait son quatrième record en quelques mois, avec 73 162 personnes enfermées derrière les barreaux. Parmi elles, plus de 49 000 sont incarcérées en maison d’arrêt où la surpopulation carcérale frôle une moyenne de 143%. Plus de 2 000 doivent dormir sur un matelas à même le sol. Face à cette situation aussi inhumaine qu’intolérable, le milieu associatif, les organisations professionnelles, les autorités indépendantes et les organes européens multiplient les alertes depuis des mois et en appellent aux autorités : il faut diminuer le nombre de personnes enfermées.
Pourtant, le projet de loi de programmation de la justice pour 2023-2027 est dénué de toute disposition nouvelle qui permettrait d’espérer une quelconque amélioration. La surpopulation carcérale n’est abordée une fois encore que par le prisme de la construction de nouvelles places de prison. Or tout montre que cette politique est inefficace et contre-productive. Depuis plus de trente ans, l’extension du parc carcéral n’a en effet jamais conduit à endiguer la surpopulation. Pire, elle s’accompagne d’une hausse continue du nombre de personnes détenues, confirmant l’adage selon lequel « plus on construit, plus on enferme ». Le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel lui-même estime que l’augmentation de la population carcérale anéantit l’objectif de résorption de la surpopulation à l’horizon 2027[1]. Gouffre financier, cette politique phagocyte en outre le budget qui pourrait être consacré à la rénovation des prisons vétustes, aux missions d’insertion et aux alternatives à la prison, autrement dit à l’amélioration véritable des conditions de détention dans les prisons françaises.
Désertant le cœur du sujet, le gouvernement propose au contraire d’injecter de nouveaux moyens – plus de treize millions d’euros – pour généraliser l’usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire. Leur efficacité pour prévenir et sanctionner les violences est loin d’être démontrée, et les craintes sont vives concernant notamment le risque d’une surveillance généralisée dans un lieu où la vie privée est déjà réduite à peau de chagrin.
A l’heure où s’ouvrent les débats à l’Assemblée nationale qui nous engageront pour les prochaines années, il est encore temps d’inverser la tendance et d’éviter que la situation, déjà alarmante, ne continue de s’aggraver.
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 01 44 52 88 00 · sophie.larouzeedeschamps@oip.org
[1] Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel relatif à l’exécution budgétaire et à la situation financière et comptable du ministère de la justice, année 2022.