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Retour en prison pour un homme en voie de réinsertion

Incarcéré à 22 ans pour des vols aggravés et des infractions à la législation sur les stupéfiants, Juan Z. dont la fin de peine était fixée à 2017 est sorti sous bracelet électronique en novembre 2013 après 10 ans de prison. Il a été réincarcéré 5 mois après suite au retrait de la mesure par le Juge d'application des peines (JAP) qui lui reproche de n'avoir pas strictement respecté des horaires très limitatifs et d'avoir tardé à mettre en place un suivi psychologique. Une appréciation très formaliste faisant peu de cas du parcours global et des efforts majeurs de réinsertion du condamné. Sa situation sera réexaminée en appel le 12 décembre prochain par la Cour d'appel de Douai.

Un retour à la case prison…

Le 18 avril 2014, le JAP de Béthune a révoqué la mesure de Placement sous surveillance électronique (PSE) de 6 mois probatoire à la libération conditionnelle accordée à Juan Z par le JAP d’Evreux le 15 novembre 2013. Il lui reproche d’avoir « généré à de nombreuses reprises des alarmes », estime que ses obligations de soins et d’indemnisation les parties civiles ne sont que « peu respectées » et considère que « son comportement peu respectueux a démontré le peu de cas qu’il fait des décisions de justice ». La condition pour accéder effectivement à la libération conditionnelle accordée étant de subir au préalable avec succès, durant 6 mois, la mesure probatoire de PSE, le retrait du PSE a impliqué la révocation de la libération conditionnelle.

© Bernard Le Bars

Et un retour à la case prison incompréhensible pour Juan Z, à un mois de la fin de sa période probatoire. Un « véritable gâchis » selon sa compagne qui estime que les efforts majeurs de Juan Z ces derniers mois n’ont pas été pris en compte et qui voit ce retour en détention comme une « incitation à la récidive » s’il n’était pas entouré par sa famille et soutenu par son employeur.

… au terme d’un parcours orienté vers la réinsertion

A seulement 32 ans, Juan Z a en effet un long parcours derrière lui. Incarcéré en 2004 à 22 ans, ses débuts en prison sont, selon lui, « catastrophiques », il cumule « les problèmes de discipline »… jusqu’à un changement radical de comportement. A partir de 2010, il se met en couple, évite « les plus mauvaises de ses fréquentations », reprend les cours à l’école. Il obtient son CAP électricité puis travaille aux ateliers de la prison où il décroche un poste à responsabilité en tant que conducteur de machine ce qui lui permet de faire des versements volontaires pour indemniser ses victimes. Parallèlement, il engage un suivi psychologique, si bien que le service pénitentiaire d’insertion et de probation constate qu’ « il a pris conscience de la gravité de ses actes » et « exprime sa volonté de rompre avec son passé de délinquant pour construire son avenir et assumer ses responsabilités familiales ».

Son projet d’aménagement de peine s’inscrit dans la même continuité. Il trouve un travail dans une association d’insertion du Pas-de-Calais et un logement avec sa compagne qui est considérée par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) comme « un élément important de sa dynamique positive ». Un projet de sortie « bien adapté à sa situation tant sur le plan professionnel que familial » selon le JAP qui prononce le PSE probatoire à la libération conditionnelle et lui fixe ses obligations : « exercer une activité professionnelle », « établir sa résidence en un lieu déterminé », « s’abstenir de fréquenter ses complices », « réparer les dommages causés par l’infraction », et « poursuivre le suivi psychologique entamé en détention ». Et durant les 6 mois de PSE, respecter des horaires d’entrée et de sortie de son domicile.

Des alarmes générées par des dysfonctionnements techniques et des horaires inadaptés au travail

C’est le respect des horaires du PSE qui génère pour Juan Z le plus de problèmes. Dans sa décision de retrait, le JAP de Béthune relève 28 alarmes du dispositif de surveillance électronique. Toutefois, 18 d’entre elles sont reconnues comme causées par « un dysfonctionnement technique » identifié par les services techniques qui ont été contraints de « chang[er] le matériel à trois reprises ». Mais Juan Z ne nie pas être à l’origine de certaines d’entre elles qu’il explique notamment par « des retours tardifs à son domicile » en raison de « difficultés sur la route ».

De fait, ses horaires fixés de 9h à 17h du lundi au vendredi et de 14h à 17h le week-end, s’avèrent peu adaptés aux exigences de son activité professionnelle. Comme l’explique son employeur dans un courrier au JAP du 15 avril 2014 « les chantiers [débarrassage de logements, de gravas, entretien d’espaces verts] ne sont pas prévus avec beaucoup d’avance, c’est du coup par coup (de l’intérim d’insertion) ». De plus, il est « difficile de faire commencer une équipe à 9h30 et de terminer à 16h30 », or, « Monsieur part à 9h, heure à laquelle il a droit de quitter son logement et il arrive au bureau vers 9h25 voire plus tard, [..] la traversée de Liévin et Lens n'[étant] pas toujours chose facile ». Mais les demandes d’élargissement des horaires de l’employeur restent lettre morte, alors que le JAP d’Evreux avait autorisé le directeur du SPIP à « modifier les horaires de sortie de l’intéressé, dans un sens favorable à ce dernier ». C’est à l’association d’insertion de s’adapter en laissant Juan Z arriver le dernier et partir le premier. Avec à la clef, de réguliers dépassements d’horaires qui conduiront le JAP de Béthune à convoquer Juan Z pour « rappel des obligations », mais en aucun cas à élargir ses horaires. Au contraire, dans une ordonnance du 5 mars notifiée le 17 mars 2014, le JAP maintiendra les horaires en semaine et réduira les sorties le week-end au samedi matin de 9h à 12h… En cas d’inactivité, Juan ne peut plus sortir de chez lui. Une nouvelle subtilité qui ne lui a pas été explicitée et qu’il n’a pas comprise. En raison de ce malentendu plusieurs nouvelles alarmes seront générées.

Un suivi psychologique et l’indemnisation des victimes jugés insuffisants malgré d’évidents efforts

Le JAP considère en outre que l’obligation de soin n’est que « peu respectée », Juan Z « n’ayant justifié que d’un seul rendez-vous au Centre médico-psychologique (CMP) depuis son placement sous surveillance électronique ». Ce faisant le juge fait peu de cas du délai moyen pour obtenir un rendez-vous avec un psychologue (environ 1 mois et demi au CMP de Liévin) et du « problème de carte vitale non mise à jour » malgré plusieurs courriers à la CPAM mentionné par Juan Z pour expliquer que sa prise de contact avec le CMP n’a eu lieu qu’en février. En tout état de cause, au jour de la révocation, Juan Z justifiait d’un premier rendez-vous avec un psychologue fixé au 27 mars et reporté au 3 avril à l’initiative du CMP et d’un second rendez-vous fixé en juin. Il justifiait également de 3 rendez-vous avec une assistante sociale du centre d’addictologie de Lens pour la mise en place d’un suivi psychologique devant débuter le 23 avril 2014.

Enfin, il est reproché à Juan Z de n’avoir pas mis en place de versements pour l’indemnisation des victimes. Le SPIP relevait toutefois que Juan Z avait déjà effectué en prison des versements à hauteur de 5983 euros sur un total d’environ 50 000 euros et que les ressources de Juan Z dont les salaires depuis sa sortie variaient entre 254 et 840 euros n’étaient pas encore stabilisées. Il était également souligné que le SPIP ne disposait pas du RIB des victimes, document que le condamné ne peut récupérer lui-même surtout en présence d’une interdiction de fréquenter les victimes. Juan avait néanmoins fait part au SPIP de sa volonté de poursuivre l’indemnisation et sollicité les coordonnées du Fonds de garantie.

D’autres petits reproches parsèment le jugement du JAP de Béthune comme le fait d’avoir été en retard de 20 et 40 minutes à deux des convocations du SPIP. Ni les explications de Juan Z indiquant qu’il avait appelé le SPIP pour leur indiquer qu’il avait pris « une mauvaise sortie au péage », ni le témoignage de sa compagne attestant qu’elle était alors « avec lui au téléphone pour le guider » – facture téléphonique et justificatif de péage à l’appui-, et qu’« après 10 ans d’incarcération il n’a plus de repères et se trompe souvent de route » ne suffiront.

Quant au respect de l’obligation de travailler, première des obligations de Juan Z, le jugement n’en fait quasiment pas état. Pourtant l’association d’insertion avait fait part au JAP de sa grande satisfaction en ces termes : « Monsieur est pour moi une personne de qualité, responsable et très motivé. Sur les chantiers je lui délègue la responsabilité des chantiers […] Je peux vous affirmer que son plus grand souhait est d’avoir une vie rangée, son passé est maintenant derrière lui et l’avenir devant lui ».

Le 12 décembre prochain, la chambre d’application des peines de Douai devra confirmer ou infirmer la décision du JAP de Béthune et décider si pour favoriser la sortie de délinquance de Juan Z, une appréciation tatillonne des obligations formelles et son maintien en prison est préférable ou non au soutien des efforts majeurs accomplis par l’intéressé depuis des années.

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