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Travail en prison : au-delà des mots… point de réforme

Comme chaque année, nous célébrerons ce 1er mai les acquis sociaux obtenus par et pour les travailleurs. Il est pourtant une catégorie de travailleurs qui en reste quasi intégralement privée : les personnes détenues. En 2019, le travail en prison relève toujours d’une servitude organisée. Il y a plus d’un an, le Président de la République dressait lui-même ce lucide constat, laissant espérer que l’action suivrait les mots. Mais, depuis lors, rien n’a été fait pour mettre un terme à ce déni de droits.

©Genepi

Depuis 1987, le travail en prison est un droit et n’est plus censé constituer une punition qui accompagne la peine. Pourtant, travailler en tant que détenu, dans la France de 2019, c’est faire un bond en arrière, avant même l’avènement du salariat. Tout a « des relents du XIXe siècle »[1]. Les prisonniers sont privés de contrat de travail et de presque tous les droits qui vont avec. Pas d’indemnité en cas de chômage technique, d’arrêt maladie ou d’accident du travail. Pas d’encadrement ferme de la durée du travail, pas de jour de repos garanti, ni de revenu minimum respecté. Pas de médecine du travail. Être travailleur détenu, c’est être payé à la pièce[2] dans des ateliers à l’équipement souvent désuet, incomplet, voire dangereux. C’est être privé de tout droit d’expression collective, de représentation syndicale, ou de la possibilité d’alerter l’inspection du travail de manière confidentielle. C’est risquer de perdre son « emploi » à chaque contestation, même légitime. Être travailleur détenu, c’est se trouver dans une dissymétrie totale de la relation de travail, éprouver l’arbitraire, l’incertitude et le non-droit.

Nombreuses sont les instances qui ont dénoncé la situation du travail en prison. En vain. Le travail carcéral reste pensé avant tout comme un instrument de gestion de la détention et non comme un outil de réinsertion offrant, comme à l’extérieur, une perspective de réalisation, d’acquisition de compétences et d’autonomie. Devant les élèves de l’École nationale de l’administration pénitentiaire réunis à Agen en mars 2018, Emmanuel Macron décrivait la réalité sans détour : « Le lien qui unit l’administration pénitentiaire et le détenu travaillant en son sein » est « un acte unilatéral avec la négation de tous les droits ». Or, « on ne peut pas demander à des détenus de respecter la société, de pouvoir se réinsérer en elle » si « on nie [leur] dignité et [leurs] droits »[3]. Le constat était lucide, et les mots lourds de sens. Pourtant, depuis, aucun projet de réforme n’a été entrepris, ni même esquissé. Et force est de constater que le droit du travail reste encore, en 2019, à la porte des prisons.

Contact presse : Pauline De Smet · 01 44 52 88 00 · 07 60 49 19 96

[1] Jean-Marie Delarue, Le Monde, 22 février 2012.
[2] Bien qu’illégale, cette pratique reste néanmoins très fréquente en prison.
[3] Discours prononcé le 6 mars 2018 à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, Agen.