Monsieur B. porte plainte pour de graves violences subies le 4 décembre 2024 au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin. Il affirme avoir été roué de coups par huit surveillants en salle de fouille. Alors qu’il est rare que la lumière soit faite en pareil cas, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) sera particulièrement attentive aux suites données à cette affaire.
C’est un véritable passage à tabac qu’a subi Monsieur B., incarcéré au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin. Les soignants qui le reçoivent à l’unité sanitaire les 5 et 6 décembre constatent « une plaie au-dessus de l’arcade gauche », des ecchymoses à l’épaule, « en regard de l’omoplate gauche », « sur la face interne du coude », « sur la face externe et interne du poignet », « la face interne de l’avant-bras », une « plaie et ecchymose » à la jambe gauche « sur plus de 10 cm », et enfin une « déchirure musculaire de l’adducteur gauche, avec hématome important et tuméfaction ». Le 8 décembre au soir, Monsieur B. appelle sa compagne et fait état de vertiges, de fièvre et de convulsions, précisant que sa jambe avait gonflé. Sa conjointe contacte alors l’établissement et le Samu pour alerter sur l’état de santé de Monsieur B., qui est transféré trois jours plus tard au centre pénitentiaire de Laon. Quand elle parvient enfin à lui rendre visite au parloir de la prison le 18 décembre, elle le trouve « très amaigri », équipé de béquilles, « suivi tous les jours par l’unité sanitaire de la prison ». Monsieur B. lui dit avoir été hospitalisé six jours et demi, sa blessure à la jambe s’étant notamment infectée.
D’après son récit, Monsieur B. aurait fait l’objet d’une véritable expédition punitive, menée par huit surveillants en salle de fouille, le 4 décembre. Il aurait été victime de « clés de bras » et d’un « coup de pied sur la partie gauche du visage », puis il serait tombé à terre, où il aurait reçu « des coups de poings dans le dos et dans la nuque »[1]. Enfin, les agents lui auraient frotté la tête sur un tapis à picots en plastique, en lui lançant : « C’est comme ça qu’on lave les bougnoules. »
Ce tabassage en règle aurait eu lieu au retour du tribunal judiciaire de Lille, devant lequel Monsieur B. comparaissait pour des violences verbales et physiques à l’encontre d’un surveillant. Des faits pour lesquels il venait de passer 20 jours au quartier disciplinaire. Monsieur B. a été condamné à une peine supplémentaire de six mois de détention à domicile sous surveillance électronique, soit bien moins que ce réclamait le plaignant, d’après Maître Badaoui, l’avocate de Monsieur B. « La décision du juge judiciaire n’a pas dû plaire au surveillant impliqué et à ses collègues », suppose-t-elle.
L’avocate a déposé plainte le 6 décembre auprès du procureur du tribunal judiciaire de Lille pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique », à la suite de quoi Monsieur B. et sa conjointe ont été entendus par la gendarmerie. Maître Badaoui a aussi introduit une demande d’aménagement de peine, qui devrait être examinée début janvier. L’avocate a par ailleurs sollicité une enquête interne auprès de l’administration pénitentiaire, mais elle n’a pour l’heure aucun retour de l’établissement. « Selon eux, il ne s’est rien passé », indique-t-elle. La section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) a également contacté l’administration, sans réponse à ce jour.
Dans un rapport d’enquête de 2019, l’OIP-SF soulignait l’omerta qui entoure les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur les personnes détenues. L’association documentait aussi le manque de suivi des signalements et les difficultés à faire aboutir les plaintes, qui font rarement l’objet d’enquêtes effectives. L’OIP-SF suivra donc avec la plus grande attention les suites qui seront réservées à la plainte de Monsieur B.
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96
[1] Certificat médical établi par l’unité sanitaire du CP de Lille-Annœullin le 6 décembre 2024.