Le tribunal administratif de Grenoble va examiner ce jeudi 27 septembre les conditions de détention au quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Grenoble-Varces. Karim M. l’a en effet saisi d’une procédure de référé-liberté, estimant la situation attentatoire à sa dignité. Une audience qui se déroule quelques jours après le dépôt par un autre détenu d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour contester les conditions de détention inhumaines et dégradantes dans cette même prison.
Par cette procédure, Karim M. demande au juge des référés de lever son placement au quartier disciplinaire (QD) de la maison d’arrêt de Grenoble-Varces dont il dénonce l’indignité. Il demande également que des travaux de réaménagement du QD soient engagés – travaux déjà demandés à plusieurs reprises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Les conditions de détention au QD de Varces sont en effet unanimement dénoncées, et ce depuis de nombreuses années. En 2000, déjà, un rapport d’enquête sénatorial prend l’exemple de cet établissement pour pointer du doigt certaines cours de promenade de QD où « le détenu peut très bien ne pas voir le ciel, et déambuler dans un local à peine plus grand que sa cellule »[1]. A de multiples occasions, experts[2], contrôleurs et parlementaires[3] pointent, lors de leur visite, l’architecture de la cour qui ne permet pas aux personnes détenues de bénéficier, comme le garantit la loi, d’une heure de promenade à l’air libre[4]. Relevant en 2016 le fait qu’il s’agissait « d’une pièce de promenade et non d’une cour »[5], le CGLPL avait reçu pour toute réponse de la part de la direction que « des études de faisabilité [avaient] été menées sans qu’une solution ait pu être trouvée à ce jour ».
Outre la cour de promenade non-réglementaire, c’est l’ensemble du quartier disciplinaire qui présente des conditions de détention attentatoires à la dignité. « État général très vétuste / très sale » indiquait le rapport d’expertise au sujet d’une cellule en 2009. La même année, l’OIP demandait la fermeture du quartier. En vain. Sept ans plus tard, « les conditions de détention au sein du quartier disciplinaire demeurent déplorables », dénonçait en 2016 le Contrôleur général. Or en 2018, les choses ne semblent pas avoir changé. « Un coup de peinture est donné de temps en temps pour rafraîchir les cellules, mais c’est tout » indique un personnel de l’établissement. Pire, entre la fin du mois d’août et le 24 septembre, trois des sept cellules ne bénéficiaient pas d’eau courante. Les personnes détenues se voyaient distribuer des bouteilles d’eau de 33cl, et disposaient d’un seau d’eau en guise de chasse d’eau, alors que les toilettes étaient bouchées. Des informations confirmées par un membre du personnel soignant, qui avait alerté la direction de cette « situation sanitaire très dégradée » dès le 30 août. Monsieur Karim M. se plaint également de n’avoir accès qu’une seule fois par semaine à la douche et que de manière très irrégulière à ses vêtements de rechange. C’est au regard de ces conditions que le juge se prononcera sur la violation de ses droits fondamentaux et sur une éventuelle fermeture du QD pour rénovation.
Une prison surpeuplée et vétuste
Mais les détenus du quartier disciplinaire ne sont pas les seuls à être exposés à des traitements contraires à la dignité humaine. Victime d’une surpopulation chronique, le bâtiment principal de la maison d’arrêt – déjà condamné en 2014 par le tribunal administratif de Grenoble pour ses conditions de détention indignes – présente des conditions de détention tout aussi désastreuses. « État de saleté déplorable », « cellules très dégradées », « atteinte à la dignité »… Le constat dressé en 2016 par le CGLPL est sans appel : « Le sol est fortement dégradé et des plaques entières de carrelage n’existent plus ; par endroit, la surface a été creusée et du béton manque » ; en cellule, « l’eau était parfois tiède mais aussi fréquemment froide [alors que] les occupants doivent y faire leur toilette, notamment les quatre jours de la semaine où ils n’ont pas accès à la douche. Leur intimité et leur dignité ne sont pas respectées », et « l’espace disponible pour circuler est réduit à 4,5m² (après retrait des superficies des meubles), soit 2,25m² par personne. L’écart avec les normes définies par le Comité de prévention de la torture (CPT) est très important ». Ces conditions n’ayant pas évolué depuis les observations de l’organe de contrôle, une personne incarcérée dans l’établissement a donc saisi la CEDH le 18 septembre dernier. La maison d’arrêt de Grenoble-Varces est le sixième établissement pénitentiaire français à être visé par une requête devant cette instance, après Ducos, Nîmes, Nuutania, Fresnes et Nice.
Actualisation au 28 septembre 2018 – Alors que le tribunal administratif de Grenoble examinait ce jeudi 27 septembre les conditions de détention au quartier (QD) disciplinaire de la maison d’arrêt de Grenoble-Varces, l’administration pénitentiaire a fait savoir, le matin même, qu’elle venait d’ordonner le transfert du plaignant, Monsieur Karim M., vers un autre établissement. Une manière de contourner le problème et d’éviter que le juge ne se prononce sur sa requête, puisque ce transfert conduit aujourd’hui le tribunal à conclure à un défaut d’urgence. Par la voix de sa présidente Delphine Boesel, l’OIP demande donc aujourd’hui à la directrice de de la maison d’arrêt de Varces la fermeture immédiate du quartier disciplinaire du fait des conditions d’incarcération inhumaines qui y règnent.
Contact presse : Amid Khallouf · 09 50 92 00 34 · 06 50 73 29 04
- Consulter la carte des établissements déjà condamnés pour conditions indignes de détention ou faisant l’objet d’une requête devant la CEDH.
[1] Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaire en France, tome 1, 2000, www.senat.fr
[2] Rapport d’expertise, 18 septembre 2009, B. La Bonnardière, expert près la Cour d’appel de Grenoble.
[3] Les députés Geneviève Fioraso et Michel Issindou visitent la prison, Le Dauphiné libéré, 19 juillet 2010.
[4] Art. 12 de l’annexe à l’article R57-6-18 du code de procédure pénale.
[5] CGLPL, rapport de visite du 8 au 12 février 2016, maison d’arrêt de Grenoble-Varces, recommandation 17.