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Fresnes : l’État condamné à rénover les cours de promenade

Saisi par une personne détenue, le tribunal administratif de Melun a jugé, le 6 avril dernier, que les conditions dans lesquelles se déroulent les promenades à la maison d’arrêt de Fresnes sont contraires à la dignité humaine. Par un second jugement rendu le 20 juillet 2018, le tribunal administratif prescrit à la ministre de la Justice d’engager d’importants travaux visant à améliorer la situation.

Alors qu’il était détenu à la maison d’arrêt pour hommes de Fresnes, M. T. demandait le 26 février 2015 au directeur de l’établissement la mise aux normes des cours de promenade, dénonçant « la superficie des cours, trop réduite eu égard au nombre de détenus présents dans celles-ci lors des promenades, l’absence de points d’eau et d’urinoir, l’absence d’abri et d’assises, ainsi que l’absence de surveillance des cours ». Saisi quelques mois plus tard, le tribunal administratif de Melun annulait, en avril dernier, le refus opposé par le directeur de la maison d’arrêt à la demande de M. T. Pour les juges, en effet, « les conditions dans lesquelles se déroulent les promenades des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes excédent le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et sont, dès lors, attentatoires à la dignité des intéressés ».

Dans une seconde décision du 20 juillet 2018, le tribunal administratif est donc venu préciser les conséquences qui doivent être tirées de sa précédente décision. Entre temps – fait exceptionnel – les magistrats s’étaient déplacés à la prison de Fresnes pour prendre la mesure de la situation et définir, en pleine connaissance de cause, les mesures à engager.

Relevant l’exiguïté des 128 cours de promenades de la maison d’arrêt de Fresnes, dont la superficie varie de 45 à 85 m2, le tribunal administratif a d’abord enjoint au ministre de la Justice de « faire procéder à l’abattement de cloisons séparant les cours, de sorte que la superficie minimale de chaque cour soit de 120 m2 ». Il exige également que les « sols des cours de promenades [soient] rénovés et [fassent] l’objet d’un ragréage général en vue de faciliter leur entretien » et que « les évacuations d’eau des cours [soient] toutes équipées d’un grillage empêchant à la fois l’accumulation de détritus et la circulation des rongeurs ». Par ailleurs, les juges exigent de la ministre de la Justice qu’elle fasse « procéder à l’installation en nombre suffisant au regard du nombre de détenus admissibles dans les cours, de bancs, d’abris recouvrant le tiers des cours afin que les détenus puissent bénéficier des cours de promenade en cas de fortes chaleurs ou d’intempéries, d’urinoirs, de poubelles, de points d’eau et de barres de traction, dans chacune des cours de promenade ». Ils imposent en outre que des mesures soient prises pour renforcer l’entretien en prévoyant un « nettoyage à l’aide d’un matériel à haute pression des cours de promenade tous les deux jours ainsi qu’à un balayage, un nettoyage des urinoirs et un vidage des poubelles tous les jours. ». Enfin, le tribunal administratif réclame que la sécurité des personnes détenues présentes en cours de promenade soit garantie par « la mise en place d’un système de vidéosurveillance couvrant l’intégralité de la surface des cours » et par l’affectation d’ « agents à temps plein au visionnage des écrans » de contrôle ainsi qu’à la « surveillance directe des détenus afin que tout incident puisse être détecté et traité en temps réel ».

Dans deux ordonnances de référés rendues sur recours de l’OIP en octobre 2016 et avril 2017), le tribunal administratif de Melun avait déjà prescrit à l’administration d’engager différentes actions visant à améliorer les conditions de détention à la maison d’arrêt de Fresnes (éradication des nuisibles, réparation des installations défectueuses d’eau et de chauffage, renforcement du nettoyage, distribution des repas, développement de l’offre de travail, etc.). Même si cette nouvelle décision cible de façon spécifique la situation des cours de promenade, elle confirme d’abord, s’il en était encore besoin, l’indignité des conditions de détention à la maison d’arrêt de Fresnes ainsi que la carence des pouvoir publics à y remédier. Et souligne l’urgence d’agir, puisque les juges laissent six mois au ministère pour mener à bien ces travaux.

Dans ce contexte, l’annonce par la ministre de la Justice de la formation d’un appel contre le jugement qui vient d’être rendu au motif de l’absence de « pertinence et [de] faisabilité des travaux ordonnés » et de l’engagement prochain d’une opération de rénovation globale de l’établissement – pour laquelle aucun calendrier n’est encore fixé – est tout à la fois scandaleuse et inquiétante. Rappelons qu’en février 2000 déjà, la garde des Sceaux de l’époque, Élisabeth Guigou, avait identifié la prison de Fresnes parmi celles qui devaient être rénovées de manière prioritaire et annonçait avoir « d’ores et déjà décidé – et obtenu les crédits correspondants – pour une réhabilitation complète »[1] de l’établissement… qui n’a jamais eu lieu.

Contact presse : Pauline De Smet – 01 44 52 88 00 – 07 60 49 19 96

[1] Assemblée nationale, 3 février 2000.

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