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La Cour d’appel de Nîmes remettra-t-elle en cause le droit d’une personne détenue en fin de vie et dont l’état de santé est incompatible avec la détention de mourir hors d’une structure pénitentiaire?

Depuis la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, les personnes détenues dont le pronostic vital est engagé ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec la détention doivent pouvoir bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale afin de se faire soigner hors les murs et/ou de finir leur vie dignement hors d'une structure pénitentiaire. Le 5 octobre prochain, la Cour d'appel de Nîmes devra se prononcer sur l'application de cette disposition à M. L., atteint d'une insuffisance respiratoire chronique et actuellement au stade terminal. Mais si elle suit les conclusions de l'expert qu'elle a désigné dans le cadre de l'examen de cette demande, elle pourrait conclure que l'hospitalisation dans une structure pénitentiaire, l'Unité hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI), permet de déroger à la loi de 2002, détournant ainsi la finalité des UHSI qui n'ont pas vocation à accueillir les personnes détenues en fin de vie.

M.L est hospitalisé depuis le 12 février 2010 à l’UHSI de l’hôpital Nord de Marseille.

En juillet dernier la Cour d’appel de Nîmes avait considéré que son état de santé ne relevait pas de l’urgence, et de ce fait écarté la possibilité de lui octroyer une suspension de peine pour raisons médicales sur la base du seul certificat médical délivré par son médecin traitant, comme le permettent pourtant désormais les nouvelles dispositions issues de la loi pénitentiaire votée en novembre 2009. Le 4 mai, le service médical de l’UHSI faisait pourtant état dans un certificat médical d’une évolution de sa maladie engageant « maintenant le pronostic vital à court terme ». Ajoutant que « M.L. relève actuellement de soins continus et palliatifs pouvant être assurés par une hospitalisation à domicile, à proximité d’un hôpital comportant un service de pneumologie et une réanimation ».

Malgré le fait qu’il avait en outre été constaté que l’état de santé de celui-ci « est durablement incompatible avec le maintien en détention » en raison d’une dépendance importante à l’oxygénothérapie, « traitement [qui] ne peut plus être matériellement appliqué dans un centre pénitentiaire », la Cour d’appel de Nîmes avait demandé une nouvelle expertise afin de savoir si l’Etablissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), structure « où sa peine pourrait continuer d’être exécutée », pouvait le prendre en charge. Cet établissement avait répondu par la négative, s’estimant inadapté à la prise en charge d’un tel patient « étant donné la sévérité de cette insuffisance respiratoire ». Prenant acte de cette réponse, l’expert a conclut que « la seule structure adaptée actuellement à [l’] état de santé (de M.L) se trouve être l’UHSI de l’hôpital nord de Marseille où il se réside depuis le début de l’année 2010 ».

Les UHSI n’ont pourtant pas vocation à accueillir les personnes détenues en fin de vie. Leur mise en place ne visait pas à se substituer à la possibilité de suspension de peine pour raisons médicales. Le directeur de cabinet de la Ministre de la Santé est d’ailleurs venu le rappeler dans une réponse adressée le 3 août 2009 au Contrôleur général des lieux de privation de liberté faisant suite à son rapport relatif à l’UHSI de Marseille : « la création de lits de soins palliatifs dédiés aux personnes détenues n’a jamais été prévue », les personnes détenues en fin de vie doivent « bénéficier d’une suspension de peine leur permettant une prise en charge en milieu ordinaire ». Ajoutant même que des dispositifs spécifiques aux personnes détenues en fin de vie « seraient contraire à la loi qui vise à permettre aux personnes détenues en fin de vie de bénéficier d’une prise en charge médicale dans le cadre d’une suspension de peine ».

A cet égard, interrogé par l’OIP, le chef de service de l’UHSI de Marseille, où se trouve actuellement affecté M. L., a toutefois souligné que « les objectifs de la loi sur la suspension de peine ne sont pas tenus ». « Il arrive fréquemment que nous devions demander à plusieurs reprises pour le même patient des aménagements de peines » a-t-elle précisé. Ajoutant qu’ « il arrive fréquemment que dans les rapports d’expertise soit noté que la poursuite de l’incarcération est possible à l’UHSI ». Selon elle, « les experts et les juges se satisfont de la prise en charge médicale à l’UHSI, sans tenir compte de l’importance du soutien familial et amical élargi en fin de vie. »

L’OIP rappelle que :

– l’article 721-1-1 du code de procédure pénale indique que « Sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux. »

– La France a déjà été condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir maintenu en prison des condamnés dont l’état de santé était incompatible avec la détention (CEDH Mouisel c.France, 14 novembre 2002 et Rivière c. France, 11 juillet 2006).

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