La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France pour avoir soumis un détenu au port des menottes et des entraves pendant ses consultations médicales, et lui avoir imposé la présence d'un personnel de surveillance durant ses examens médicaux. Quatrième condamnation de la France en matière pénitentiaire en moins de six mois, cette décision vient remettre en cause les conditions dans lesquelles se déroulent les extractions médicales des personnes détenues.
Dans leur arrêt du 26 mai 2011, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont considéré, à l’unanimité, que les moyens de contrainte et de sécurité imposés à un détenu français lors de plusieurs extractions et consultations médicales aux centres hospitaliers d’Amiens et Laon entre février 2000 et septembre 2005 étaient constitutifs d’un « traitement dégradant ».
Les juges ont apprécié les faits à la lumière d’un rapport de l’IGAS – saisie par l’OIP le 12 juillet 2005 –, qui a reconnu que les conditions de sécurité avaient primé sur l’intimité de Michel Duval, alors âgé de 61 ans et porteur d’une prothèse à la hanche, ainsi que sur la confidentialité des soins. Ils ont estimé les mesures de contrainte utilisées (entraves et menottes) d’autant plus disproportionnées qu’elles avaient été combinées à la présence constante de surveillants ou de policiers lors d’examens médicaux, dont certains présentaient un caractère intime. La Cour s’est notamment référée à la position du Comité de prévention contre la torture du Conseil de l’Europe (CPT), selon laquelle l’examen médical des détenus soumis à des moyens de contrainte constitue « une pratique hautement contestable tant du point de vue de l’éthique que du point de vue clinique », le Comité recommandant d’effectuer tous actes médicaux de détenus hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin concerné dans un cas particulier – hors de la vue du personnel d’escorte. Elle a également tenu compte des rapports du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qui, à l’occasion de sa visite en France en 2005, avait dénoncé la pratique résultant de la circulaire toujours en vigueur du 18 novembre 2004, relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale : « Le transfert et l’hospitalisation se déroulent souvent dans des conditions qui entravent l’accès aux soins […]. Les dispositions introduites par cette circulaire nuisent aux droits de la personne : le secret médical n’est pas respecté ; le port d’entraves et de menottes rajoutent à la souffrance et à l’inconfort et peut ainsi constituer une humiliation et un traitement inhumain et dégradant ». A la suite de sa visite en France en 2008, le Commissaire européen constatait à nouveau que « les conditions de consultation des détenus à l’hôpital sont rendues difficiles principalement en raison du port des menottes et de la présence quasi permanente du personnel pénitentiaire ». Elle a enfin signalé que ces constats rejoignaient aussi ceux de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a considéré en 2006 qu’ « il ne saurait être dérogé au principe du respect du secret médical » et que « l’acte médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure », désapprouvant ainsi « les conditions dans lesquelles s’effectuent les consultations de détenus sous surveillance constante à l’hôpital de ville ».
Cet arrêt du 26 mai 2011 vient remettre en cause les mesures de contrainte et de sécurité prises à l’occasion des quelque 50 000 extractions médicales dont les personnes détenues bénéficient chaque année en France, en application de la circulaire du 18 novembre 2004 relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale.
L’OIP rappelle :
– qu’aux termes de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;
– que l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que « La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population » et que «l’administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation ».
En savoir plus:
Étude de la CNCDH en date de janvier 2006 sur l’accès aux soins des personnes détenues