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Un détenu en grève de bithérapie au centre pénitentiaire de Liancourt : de la modification des repères d’hygiène de vie à la rupture thérapeutique

Incarcéré en 2011, Malo, 47 ans, vit avec le VIH et l'hépatite C depuis 1990. Il a cessé de prendre sa bithérapie depuis un mois, afin d'alerter sur les difficultés qu'il rencontre au centre pénitentiaire de Liancourt (Oise), où il a été transféré en février dernier, pour maintenir ses habitudes alimentaires et son hygiène de vie. Des aspects non strictement médicaux pourtant importants dans sa lutte contre la maladie.

Suppression du régime hyper-calorique et des compléments alimentaires

La suppression du « régime hyper-calorique » et des « compléments alimentaires » a été la première pierre d’achoppement avec l’équipe médicale de Liancourt. Tandis que Malo, qui mesure 1m91, fait valoir que cela lui a toujours été prescrit dans les précédentes prisons, le médecin de l’unité sanitaire estime que « sa maladie ne le justifie pas » et qu’il s’agit de prescriptions réservées « aux personnes dénutries, notamment les personnes âgées ».

Un médecin qui a suivi Malo dans un précédent établissement reconnait que cela n’a rien d’obligatoire mais souligne que « les traitements contre le VIH entraînent souvent des troubles de l’appétit ». Il indique ne pas hésiter à prescrire régime hyper calorique et compléments lorsque la personne est en demande, « pour créer ou maintenir le lien thérapeutique, la finalité restant le soin et la bonne observance du traitement ».

Depuis cette suppression, Malo se plaint d’avoir « du mal à prendre sa bithérapie » et de souffrir de « diarrhées ». Il dit ne « pas manger à sa faim », n’ayant pas assez d’argent pour « améliorer la gamelle ». Il doit se faire aider pas des codétenus. Selon ses dires, alors que son poids de forme serait de 87 kg, Malo ne pèserait aujourd’hui plus que 76 kg. Un problème de poids contesté par le médecin de Liancourt qui reconnait cependant n’avoir pas vérifié dans son dossier médical et ne pas connaître la teneur calorique des repas distribués.

Impossible accès aux produits d’hygiène spécifiques

Second changement et second conflit avec l’équipe médicale. Malgré la suppression depuis un arrêté de 2011 de la possibilité de se voir apporter des produits d’hygiène au parloir, Malo avait toujours pu obtenir de l’administration que des produits dermatologiques nécessaires lui soient déposés au parloir. A Liancourt, malgré la production en avril 2014 du certificat médical réclamé par la direction, ces derniers ne lui ont jamais été remis.

Le médecin responsable de l’unité sanitaire explique qu’« une note de service de l’hôpital impose désormais que toute prescription d’un médecin de l’unité sanitaire de Liancourt soit fournie par la pharmacie de l’hôpital de Creil ». Un médecin ne peut donc plus délivrer de certificat médical au détenu pour permettre la remise de produits d’hygiène au parloir. Raison invoquée : « la responsabilité des médecins » et la lutte contre l’entrée de « drogue ou autres produits interdits ». Généralement invoqué par l’administration pénitentiaire, cette mesure sécuritaire est ici clairement endossée par l’équipe médicale de Liancourt, malgré l’existence d’autres contrôles possibles.

Bien qu’estimant que Malo n’avait « pas de problème dermatologique », l’unité sanitaire lui a fourni des produits que Malo a testé mais n’a pas jugé adaptés à son hygiène quotidienne. Une amie venue le visiter au parloir signale le développement de « plaques violacées qui le démangent » et des « ampoules sous la voûte plantaire ». Pour tenter de s’apaiser, Malo explique avoir dû se rabattre sur des recettes de grand-mère : « de l’huile d’olive, du citron ou de l’orange » sur ses plaques et « de l’eau salée » sur ses ampoules.

Rupture définitive et irréversible du lien thérapeutique

Se sentant perturbé psychologiquement et affaibli physiquement par les changements imposés par l’équipe médicale de Liancourt dans ses habitudes alimentaires et d’hygiène corporelle depuis longtemps ancrées, Malo s’est emporté contre le médecin de l’unité sanitaire au mois de mai dernier. Ce dernier a porté plainte contre lui.

Depuis, la confiance et le lien thérapeutique sont totalement rompus. Depuis un mois, Malo refuse la bithérapie et n’accepte plus aucune consultation, malgré les sollicitations régulières de l’équipe médicale. Il met ainsi gravement en péril sa santé, une interruption des soins pouvant entrainer une augmentation de la charge virale voire une résistance du virus au traitement. Le choix du médecin étant impossible en prison, il réclame son transfert vers un autre établissement où il espère pouvoir renouer le dialogue avec une autre équipe médicale.

Malo s’est également battu contre les conditions peu hygiéniques dans lesquelles étaient remis sa bithérapie, déposée en son absence dans une enveloppe kraft à même le sol. Alertée par l’OIP, l’unité sanitaire a confirmé et annoncé que depuis peu, les médicaments sont remis par l’infirmière en main propre au détenu. En cas d’absence, un nouveau passage est désormais réalisé.

Les difficultés rencontrées par Malo, leur impact sur son équilibre et sa capacité à observer un traitement lourd illustrent l’importance des recommandations du rapport Morlat de 2013 sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, qui insiste sur le fait que « la réussite thérapeutique est en partie dépendante [des] conditions de vie et de [la] situation sociale » du patient et que « la prise en charge doit donc aujourd’hui dépasser les seuls aspects biomédicaux pour prendre en compte l’individu dans sa globalité ».