Radio et prises de sang faites en présence de personnels pénitentiaires - parfois équipés de casques et de tenues antiémeutes - à l'intérieur des locaux de soins, consultations médicales réalisées avec menottes dans le dos. La prise en charge médicale de Mohamed D., détenu au centre pénitentiaire de Clairvaux depuis le 10 juin 2014, est régulièrement entachée de graves violations du secret médical et de la confidentialité des soins. La direction de l'établissement a en effet décidé de le soumettre lors des consultations à l'Unité médicale de la prison à un menottage systématique dans le dos et d'imposer la présence de personnels pénitentiaires pendant les soins.
Mohamed D. fait l’objet depuis le mois de mars 2015 d’un suivi régulier par le service médical de la prison. Lors d’un examen pour une prise de sang le 6 mars 2015, il est informé que toutes ses consultations médicales se feront menotté ou en présence de personnel pénitentiaire. Devant le refus formulé par Mohamed D. d’être soigné dans ces conditions, la prise de sang, ce jour là, est effectuée sans menottes et hors présence de personnels pénitentiaires, plusieurs agents équipés de tenues antiémeutes étant toutefois postés à l’extérieur avec la porte ouverte. Le 17 mars, un examen radiologique est pratiqué en présence d’un surveillant. La consigne initiale était d’attacher les mains du détenu à l’aide d’un lien de contention souple pour pratiquer la radio. Suite aux protestations de M. D., il est finalement démenotté pendant la radio. Lors d’une nouvelle consultation le 24 mars, M. D. est contraint d’être menotté dans le dos pendant l’entretien avec le médecin. Le 14 avril, il fait l’objet d’une prise de sang en présence de cinq agents pénitentiaires équipés de tenues anti-émeutes, suivie d’un entretien avec le médecin menotté dans le dos.
De telles pratiques ont déjà été jugées « hautement contestable[s] tant du point de vue de la déontologie que du point de vue clinique » et « pas de nature à créer une relation de confiance appropriée entre le médecin et le patient » parle Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe. Pour le CPT, « le principe de confidentialité exige que les examens et les soins médicaux soient pratiqués hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin dans un cas donné – hors de la vue du personnel ». Il considère que la décision d’« examiner ou soigner des détenus soumis à des moyens de contrainte […] doit appartenir au personnel de santé ». Or, dans le cas de M. D., les mesures sont appliquées contre l’avis des soignants, comme en atteste un certificat médical du 24 mars 2015 remis par le médecin responsable de l’Unité sanitaire : il y indique être « d’accord pour examiner démenotté et sans la présence de surveillants Monsieur Mohamed D. mais [qu’il est] obligé d’obéir aux consignes de sécurité imposées par l’administration pénitentiaire ».
Détenu particulièrement surveillé et placé à l’isolement, Mohamed D. fait l’objet de mesures de sécurité renforcées en raison d’antécédents de violences physiques et verbales commis sur des personnels pénitentiaires entre 2008 et 2012, faits pour lesquels il a été poursuivi et condamné. L’administration pénitentiaire reconnait néanmoins qu’il n’a « pas commis de violences physiques à l’égard des personnes depuis deux années ». En outre, il n’a jamais fait l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales pour des violences à l’encontre d’un personnel soignant. Un certificat médical rédigé le 5 mai 2014 par le médecin de l’Unité sanitaire de la maison centrale de Saint-Maur, établissement dans laquelle était précédemment incarcéré M. D., atteste au contraire que depuis le début de son suivi, « le patient n’a pas présenté à mon égard d’agressivité et est toujours resté calme dans les entretiens ».
L’OIP rappelle :
- L’article 45 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : « L’administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation. »